Accompagner les fins de vie en soulageant au mieux la douleur, en assurant la présence, le soutien par des professionnels formés aux soins palliatifs. Et rendre possible, dans un second temps, le recours à l’aide à mourir de façon encadrée si le patient en fait la demande : telle est en substance l’enjeu du projet de loi  “relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie”, présenté ce mercredi 10 avril au Conseil des ministres. Incipio fait le point.

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Nous l’attendions à la fin de l’été 2023. Après plusieurs mois de gestation et de vifs débats entre professionnels de santé, le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » a vu le jour. Un texte transmis au Conseil d’Etat le 15 mars 2024, et présenté ce mercredi 10 avril au Conseil des ministres. L’examen de ce dernier débutera le 27 mai à l’Assemblée nationale.

Mais que contient-il ? Des mesures pour améliorer l’accès aux soins palliatifs à l’hôpital comme à la maison. Et ouvrir par la suite, pour les patients qui le souhaitent, le droit à l’aide à mourir. 

Lits en soins palliatifs et fin de vie à domicile

Dans le détail, un budget d’1,1 milliards d’euros est proposé sur 10 ans, notamment pour assurer l’ouverture de nouveaux lits en unités de soins palliatifs : 220 lits supplémentaires en plus des 1 540 déjà existants, comme le soulignait Madame Vautrin dans le journal Le Monde, le 6 avril 2024. Mais aussi améliorer l’hospitalisation des patients en fin de vie à domicile. Plus de soignants (médecins, infirmières, assistants sociaux…) devront être formés à l’accompagnement à la maison (soins, soutien psychologique, aide sociale…) pour répondre à la demande croissante des soins palliatifs : une hausse de 16% est attendue sur les dix années à venir.  Les fins de vie longues et/ou douloureuses sont en effet de plus en plus nombreuses du fait de l’augmentation des maladies chroniques et de traitements ne permettant certes pas toujours de soigner mais de rallonger l’espérance de vie. 

Les soins palliatifs devront être une réalité dans toutes les villes et campagnes de France. Cette couverture globale prendra plusieurs années. Mais dès 2024, des unités de soins palliatifs devraient voir le jour dans des départements à ce jour dépourvus : le Cher, les Ardennes, les Vosges, l’Orne, le Lot, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, la Mayenne et la Guyane. Rappelons qu’à ce jour en France, 20 départements ne disposent actuellement d’aucun service dédié.

La formation et l’implication de bénévoles est aussi un pan développé dans le projet de loi pour accompagner la fin de vie en plus du corps médical et paramédical. Ce modèle fait déjà ses preuves à l’Hôpital Jeanne-Garnier à Paris où les bénévoles font pleinement partie de l’équipe. Aujourd’hui en France, 6 000 bénévoles accompagnent des patients en  fin de vie dans les établissements de santé. L’objectif à terme est de doubler ce nombre relayait Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, toujours dans les colonnes du Monde. 

Autre enjeu : rendre le plus précoce l’accès aux soins palliatifs, à domicile comme à l’hôpital, dès que l’état d’une personne atteinte d’une maladie incurable le nécessite, sans attendre les tous derniers jours de sa vie. Le développement des maisons d’accompagnement en renfort des unités hospitalières est aussi une mesure avancée dans le projet de loi : il s’agit de services non médicalisés pour les personnes voulant vivre leur fin ni à domicile ni à l’hôpital. Un dispositif proposé dans le rapport du Pr Franck Chauvin, “Vers un modèle français des soins d’accompagnement”, remis le 13 décembre 2023 à l’ancienne ministre en charge de la Santé, Agnès Firmin Le Bono. Rapport de 86 pages repris dans sa quasi-totalité par la ministre actuelle pour nourrir son projet de loi. 

Une aide active à mourir très encadrée

Dans un second temps, ce projet de loi prévoit l’accès à l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie, sous des conditions d’accès requises très strictes et dans un cadre de collégialité entre professionnels pour acter la prise de décision. En bref : une fois que le patient a formulé sa demande, le médecin discute avec ses confrères avant de prendre sa décision. 

L’aide à mourir pourra être demandée par les patients majeurs atteints “d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court et moyen terme ”. Une situation engendrant “une souffrance physique et/ou psychique” réfractaire aux traitements que les malades ne veulent plus endurer sur les années, les mois voire les semaines à venir. Pour demander l’aide à mourir, les patients devront formuler “leur volonté de façon libre et éclairée”. 

Chaque médecin disposera d’une clause de conscience s’il ne souhaite pas répondre à une demande d’euthanasie ou de suicide assisté. Une liste de “médecins volontaires” pourra être être fournie pour apporter une réponse aux patients. Enfin, ces actes d’aide à mourir seront pris en charge par l’Assurance maladie.

2,5% des décès par euthanasie

Selon Claire Fourcade, présidente de la Société française de soins palliatifs (SFAP), donner le droit aux Français de recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté pourrait ralentir le développement et le recours aux soins palliatifs. Une position partagée lors du Congrès de la SFAP organisé à Nantes du 14 au 16 juin 2023. 

Lors des Assises nationales de la fin de vie organisées par l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l’université Paris-II Panthéon-Assas, rappelait de son côté : “tous les pays qui ont dans le passé légiféré sur l’aide active à mourir ont vu leur accès aux soins palliatifs s’améliorer”. Et pour cause : il ne s’agit pas d’imposer, mais de donner le choix aux malades qui souhaitent arrêter de vivre sans délai en cas de souffrance et de symptômes réfractaires aux traitements. Pour les défenseurs de l’aide à mourir, il s’agit d’accompagner la dignité jusqu’au point le plus ultime : choisir sa mort. 

Dans les pays où l’euthanasie est autorisée comme la Belgique (depuis 2002), les morts par euthanasie et suicide assisté ne dépassent pas 2,5% (données 2022) des décès enregistrés.

Article écrit par Laura Bourgault 

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