Les soins de conservation sont prodigués auprès d’une personne décédée avant son inhumation ou sa crémation. Cette spécialité, celle du thanatopracteur, consiste à ralentir le processus de décomposition du corps. Associée à la toilette mortuaire, il s’agit de prendre soin, d’accompagner le défunt dans la dignité, de le rendre présentable auprès des proches venus se recueillir lors de la veillée. Pour en savoir plus, Incipio est allé à la rencontre de Séverine Delmasse, thanatopractrice dans la région nantaise.

L’enveloppe d’un corps et tout ce que le mouvement, le souffle, le sourire propulsent d’énergie quand celui-ci est encore en vie. Tout cela prend encore plus d’épaisseur quand devant vos yeux se trouve la mort. Simplement. Un corps qui s’est éteint, inerte à tout jamais, là juste devant vous, dans tout ce qu’il y a de plus brut et d’authentique. Tic tac le temps est passé, le dernier regard s’en est allé.

Les mĂ©tiers de la mort sont en contact permanent avec ce pouls fini de la vie. Les professionnels des pompes funèbres, les spĂ©cialistes de la mĂ©decine lĂ©gale et des soins de thanatopraxie travaillent au quotidien avec cette rĂ©alitĂ© qu’est la mort, le vĂ©cu des proches, des familles. 

Une astreinte permanente

Curieux, animĂ© par l’idĂ©e de tĂ©moigner de ces mĂ©tiers essentiels, Incipio est allĂ© Ă  la rencontre de l’une d’entre elles pour aborder le sujet des soins de conservation. Embarquons pour deux heures entre quatre murs avec SĂ©verine Delmasse, thanatopractrice installĂ©e depuis un an et demi dans les Pays de la Loire. 

Il est 14h15, nous avons rendez-vous Ă  la chambre funĂ©raire de la Classerie, Ă  RezĂ© près de Nantes. Ce vendredi après-midi d’automne est gris Ă  souhait, plutĂ´t frais mais le tempĂ©rament chaleureux de la cinquantenaire nous embarque immĂ©diatement. Voiture garĂ©e, vapote en mains, veste de cuir, carrĂ© blond foncĂ© et regard bleu profond, la rencontre avec SĂ©verine Delmasse se fait Ă  mĂŞme le parking. Et la discussion commence naturellement, sans emphase, les pieds dans le gravier. 

“Je reviens de Saint-Nazaire où j’ai été m’occuper d’un soin à domicile ce matin, un aller-retour de 80 kilomètres et cet après-midi je suis ici, prévient celle qui enchaîne les semaines de travail sans compter les kilomètres, sans jour de pause avec des levers réguliers à 6h. “Les semaines sont denses. Même si je n’ai pas de soins tous les jours, il faut être debout de bonne heure car le téléphone peut sonner à tout moment.” Une astreinte permanente, “avec parfois des journées comme celle d’hier qui commencent à 5h et se terminent à 21h. Mais je ne vois pas le temps passer.” Métier passion, quand tu nous tiens.

Comment cette reconversion a-t-elle dĂ©barquĂ© dans la vie de  SĂ©verine Delmasse, après avoir travaillĂ© pendant 20 ans en tant que commerciale dans le milieu bancaire ? “Par le biais d’un bilan de compĂ©tences, la profession de thanatopracteur s’est rĂ©vĂ©lĂ©e comme une Ă©vidence. Je l’avais en tĂŞte depuis plusieurs annĂ©es”. Avec cet accompagnement, SĂ©verine Delmasse qui l’a maintenant dans la peau, ce mĂ©tier, a pu cerner les raisons pour lesquelles la thanatopraxie allait lui ressembler Ă  ce point.

Les candidats admissibles au concours doivent avoir réalisé 75 soins en autonomie, avant de présenter à l’examen pratique

Et comment devient-on thanatopracteur ? Des enseignements thĂ©oriques sont dĂ©livrĂ©s sur une durĂ©e de 2 mois, 190 heures prĂ©cisĂ©ment, en fin d’annĂ©e. Le programme, court mais intense, comprend  10 matières*. Le concours d’admission, organisĂ© chaque annĂ©e au mois de janvier, comprend ensuite deux Ă©preuves de 3 heures Ă©crites chacune. Et les places pour obtenir le diplĂ´me national de thanatopraxie sont chères. “La sĂ©lection s’effectue avec un numĂ©rus clausus, 400 candidatures sont dĂ©posĂ©es pour 65 pris, souligne SĂ©verine Delmasse. Ensuite, “pour pouvoir se prĂ©senter Ă  l’examen pratique, les admis doivent avoir rĂ©alisĂ© 75 soins en autonomie avant la fin de l’annĂ©e, sous la supervision du maĂ®tre de formation ou de stage. ”. Un seuil fixĂ© Ă  75 soins depuis 2023, contre 100 soins auparavant.

Bien sûr, les choses peuvent se faire en plusieurs étapes. “Je n’ai pas eu le concours la première fois, témoigne Séverine Delmasse. J’ai donc commencé par travailler avec un thanatopracteur dans une petite entreprise sur Poitiers. Comme il n’arrivait pas à faire décoller les ventes de ses produits, importés des Etats-Unis, je lui ai proposé de m’occuper de sa prospection les trois-quart de mon temps. Et le quart restant, je me déplaçais avec lui pour assister aux soins et en voir un maximum”. De quoi rouler sa bille avant de passer le concours en janvier 2022, d’intégrer l’école en septembre de la même année. “Comme j’avais arrêté de travailler pour préparer mon examen, j’ai pu réaliser 300 soins avant de passer l’épreuve pratique en octobre 2022. J’ai été officiellement diplômée le 15 mars 2023. Je me suis ensuite installée”. Une fois diplômés, les thanatopracteurs ont le choix entre trois statuts : le salariat, le régime indépendant ou le remplacement, pour celles et ceux qui souhaitent, entre autres raisons, être en vacances plus régulièrement.

Blouse rose et bistouri

Soudainement les portes du funĂ©rarium s’ouvrent de l’intĂ©rieur, les coulisses d’un monde cachĂ© avec. Une dame brune glisse sa tĂŞte, chemisier Ă  fleurs et parole bienveillante : “SĂ©verine, Madame Claudine M.** est prĂŞte”.  Claudine M. est donc la dĂ©funte que nous sommes venus voir aujourd’hui. Ni une ni deux, notre thanatopractrice range sa vapote, ouvre son coffre et sort sa valise Ă  compartiments, la place sur un chariot sans oublier la trousse Ă  maquillage couleur citrouille posĂ©e sur le dessus. “C’est pour la toilette mortuaire. Vous ĂŞtes prĂŞte, on y va ?”

Séverine Delmasse nous convie à l’intérieur de cette pièce carrelée de gris, murs blancs et lumière blanche néon. Un mini-laboratoire plutôt encombré. C’est qu’il y a du monde à l’intérieur. On repère trois portes de cases réfrigérées, sorte de grands frigos où les corps sont conservés avant la mise en bière : une droit devant, deux sur notre gauche, près des chariots métalliques et d’un cercueil scellé d’un cercle rouge, signe qu’il est occupé et prêt à partir pour l’incinération : non Claudine M., n’est pas la seule défunte présente dans cette pièce. Nous apprendrons par la suite qu’une chambre funéraire doit posséder autant de cases réfrigérées que de salons d’accueil.

“Aujourd’hui nous faisons une simple toilette mortuaire, précise Séverine Delmasse en enfilant sa blouse de protection rose. Mais je vais vous expliquer en quoi consiste un soin de conservation.” Le recours aux soins complets n’est donc pas automatique.” Ce choix va dépendre de ce que le défunt avait demandé de son vivant ou de ce que les familles souhaitent si aucune volonté de leur proche n’avait été partagée. La raison de se cantonner à une toilette mortuaire peut également être d’ordre financier si le coût est assuré par les proches.

Racontez-nous un soin

D’un geste rapide et prĂ©cis, la thanatopractrice installe sa valise dans un coin, sort tous ces instruments de sa mallette pour les installer sur un plateau de mĂ©tal. Aux aguets, nous suivons du regard chaque ustensile courbĂ©, tranchant, long ou large.  Que trouve-t-on prĂ©cisĂ©ment dans cette panoplie dĂ©diĂ©e aux soins de conservation ?

“L’objectif d’un soin de conservation c’est de figer la décomposition, de redonner un peu de couleur, de la souplesse sur la peau”, Séverine Delmasse

“Pour un soin, une fois que le dĂ©funt est installĂ©, on utilise un bistouri pour pratiquer une incision au niveau de l’appendice xyphoĂŻde, aller chercher le cĹ“ur et plus prĂ©cisĂ©ment une artère que l’on positionne sur une lame sĂ©paratrice pour la sectionner, avant d’introduire une canule reliĂ©e Ă  un bidon sous pression qui va envoyer le formol. Le formol va rĂ©activer la circulation sanguine, pousser le sang en passant par les cellules et les tissus. L’idĂ©e c’est de figer la dĂ©composition, de redonner un peu de couleur, de la souplesse sur la peau. Une fois que le formol a fait le tour, il va dans le cĹ“ur et comme le cĹ“ur ne bat plus, il va grossir. C’est lĂ  que l’on utilise un trocart : avec des repères thoraciques on insère ce tuyau quand le cĹ“ur est suffisamment gros pour en vider le sang. Ce sang, environ 5L en fonction de la corpulence, va partir dans une poche.” 

D’autres instruments vont permettre “d’aller chercher des artères, les clamper, de nettoyer les ongles, couper les pansements, la moustache. Je me sers aussi de pinces pour nettoyer, poursuit la thanatopractrice. Lors de l’injection, j’utilise une pince dieffenbach pour Ă©viter que le flux ne reparte trop vers le visage qui est très fragile. Pour la suture de la bouche, j’utilise une aiguille courbe et pour les autres sutures, une aiguille serpentine.” Au total, il faut compter “1h30 pour un soin”.

Une toilette mortuaire physique et délicate

Une fois ces prĂ©sentations matĂ©rielles terminĂ©es, place Ă  la trousse de maquillage, la brosse Ă  cheveux et la tenue de change confiĂ©e par la famille. “J’aime que tout soit bien organisĂ©, tout sortir dès le dĂ©part pour ne pas perdre de temps Ă  chercher dans mes affaires une fois que le soin et la toilette mortuaire ont commencĂ©. Comme ça je suis pleinement disponible, avec le dĂ©funt, pas le nez dans ma valise.” 

L’horloge tourne, il est prĂ©vu que la famille vienne rendre son unique visite Ă  Claudine M. dans la journĂ©e. Action rĂ©action SĂ©verine Delmasse se retourne sur ses baskets Ă  semelles compensĂ©es, ouvre la porte de la case rĂ©frigĂ©rĂ©e. Celle en face de nous. La tempĂ©rature, de -2 Ă  4°C maximum, vient refroidir la salle. Le regard scrute, en visu le bout d’une housse avec, a priori des pieds Ă  l’intĂ©rieur, apparaĂ®t. “Je vous propose de me tourner le dos, je prends connaissance du corps et je vous dis ce qu’il en est, s’il est visible”, propose-t-elle. Bonne idĂ©e. Car personne n’est suffisamment armĂ© pour savoir comment rĂ©agir face Ă  un corps mort que l’on ne connaĂ®t pas. Face Ă  un corps mort tout court, d’ailleurs. PrĂ©caution donc, Incipio fait volte face, la housse est dĂ©zippĂ©e et quelques secondes passent. Claudine M., dĂ©cĂ©dĂ©e Ă  51 ans, “est jolie. Il n’y a aucun dĂ©faut sur son visage. Elle est juste un peu rouge mais complètement visible. “Vous pouvez vous retourner.” Incipio s’accroche Ă  son calepin et se retourne pour une rencontre un peu spĂ©ciale, mais une rencontre quand mĂŞme. Une rencontre surtout. Incipio se surprend mĂŞme Ă  prononcer quelques mots, quelques phrases, adressĂ©es directement Ă  Claudine M. Nous avons en face de nous une personne morte, une personne. De but en blanc, SĂ©verine Delmasse commence Ă  dĂ©shabiller la dĂ©funte. Les gestes sont dĂ©licats et fermes Ă  la fois. 

Squat, spray huilé et putréfaction

Et manipuler un corps mort ne s’improvise pas. “J’adopte toujours la même technique, dès que je lève une partie du corps je serre les abdos, je ne me penche jamais en avant, je me mets en position squat” pour les petits gabarits comme pour les plus robustes. Les thanatopracteurs n’ont pas le choix d’adopter les bonnes postures, “de protéger leur dos en permanence, pour tenir dans le temps”, dit-elle en enlevant le gilet bleu de Claudine M., en passant son t-shirt par-dessus sa tête et en enlevant son legging beige avant de lui recouvrir les jambes par le bas de la housse mortuaire, le temps de s’occuper de la partie haute de son corps. Claudine M. n’aura pas froid, simple question de dignité. “Voilà comme ça vous êtes bien, je vous masse un peu les doigts Madame. Après le décès, plus le temps va passer, plus le corps va se raidir, nous explique Séverine Delmasse. Les muscles se tendent, on vient donc assouplir les bras et le visage. C’est bien si les proches peuvent voir les mains sans qu’elles soient trop raides. J’essaie de toujours faire mon possible même si parfois la couleur de la peau et l’apparence font que l’on est obligé de les cacher”, sous la parure de la table funéraire.

 â€śL’accueil des corps dans la chambre funĂ©raire se fait dans les 24 heures suivant le dĂ©cès, 48 heures si des soins de conservation ont Ă©tĂ© effectuĂ©s.”

La question qui nous vient instinctivement ? De quoi est dĂ©cĂ©dĂ©e Claudine M. ? Sauf si cela impacte la toilette mortuaire ou le soin de conservation, le thanatopracteur n’est pas informĂ© du motif du dĂ©cès. “Cela arrive que l’on trouve une chambre de chimiothĂ©rapie sur le corps du dĂ©funt, ce qui nous laisse supposer un dĂ©cès par cancer. Certains accidents d’ordre traumatologique sont aussi parfois Ă©vidents.” Pour Claudine M. ce peut-ĂŞtre une crise cardiaque : “le teint rouge de sa peau laisse Ă  penser que le cĹ“ur s’est arrĂŞtĂ© en premier, provoquant un afflux sanguin vers le visage. D’ailleurs une partie de son ventre et de sa poitrine sont rouges Ă©galement. Elle est peut-ĂŞtre dĂ©cĂ©dĂ©e en tombant sur l’avant de son corps et restĂ©e un certain temps dans cette position.” 

Poursuite de l’observation du cadavre. A priori, le processus de dĂ©composition – bien qu’invisible pour les novices – est en cours. “La peau sous son menton est en cours de putrĂ©faction, cela lui donne un aspect rouge et elle est très fine, elle se dĂ©sintègre lĂ©gèrement sous mes doigts, explique la thanatopractrice. Claudine M. est dĂ©cĂ©dĂ©e il y a quelques jours, il Ă©tait temps de faire sa toilette.” Au fait, dans quel dĂ©lai les dĂ©funts sont-ils pris en charge dans un funĂ©rarium ? “L’accueil des corps dans la chambre funĂ©raire**** se fait dans les 24 heures suivant le dĂ©cès, 48 heures si des soins de conservation ont Ă©tĂ© effectuĂ©s.

“Je veille à suivre le mouvement naturel du cheveu pour que les proches puissent reconnaître le ou la défunt(e). C’est une intention importante, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme.”

“Pour les yeux qui ne sont plus lubrifiĂ©s, on utilise ces petites lentilles”, continue SĂ©verine Delmasse, en nous montrant des petits opercules bombĂ©s et translucides, toujours guidĂ©e par sa souplesse et sa dextĂ©ritĂ©. “Elles permettent de rebomber l’Ĺ“il, nous prĂ©cise-t-elle. Je vais maintenant laver l’intĂ©rieur de la bouche et placer des cotons dans les orifices pour Ă©viter les Ă©coulements.” Puis, pour nettoyer le visage et redonner un teint plus naturel Ă  la dĂ©funte, la thanatopractrice s’équipe de son spray huilĂ© et d’une poudre. “J’utilise une huile pour le visage, et un shampoing sec quand les cheveux en ont besoin. Maintenant je vais vous recoiffer, prolonge SĂ©verine Delmasse en se munissant de sa brosse pour remettre en place quelques Ă©pis rebelles de l’épaisse chevelure châtain de Claudine M.. “Je veille Ă  suivre le mouvement naturel du cheveu pour que les proches puissent reconnaĂ®tre le ou la dĂ©funt(e). C’est une intention importante, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme”. 

La ligne de conduite est la mĂŞme pour les vĂŞtements. “Nous devons mettre aux dĂ©funts tout ce que la famille nous a confiĂ©, quels que soient les gestes que cela suppose, poursuit la thanatopratice en dĂ©pliant la tenue de Claudine M., qui sera la dernière : un pantalon noir, un pull de maille beige clair et un chemisier bleu marine. “Je vais commencer par lui mettre une couche de protection dans le cas oĂą certains liquides seraient amenĂ©s Ă  couler, dĂ©crit la thanatopractrice en abaissant la housse puis le sous-vĂŞtement de Claudine M. Vous voyez, on arrive au monde avec un bracelet et une couche, et on repart de la mĂŞme façon, prononce calmement SĂ©verine Delmasse. Pour enfiler les vĂŞtements, les genoux et les Ă©paules se plient en souplesse sous les bras de la thanatopractrice, ses jambes se rĂ©haussent, ne dĂ©passent jamais les bords de la table Ă©troite. Des mouvements toniques mais jamais brusques. 

Parler aux vivants et aux morts

“Il y a deux phases dans mon mĂ©tier, dĂ©veloppe SĂ©verine Delmasse. La première est esthĂ©tique, la seconde relève de la conservation. En dĂ©but de soin, je commence par observer le corps, noter les points de vigilance. Si des petites choses ne vont pas dès le dĂ©part, quant Ă  l’aspect du corps, on peut prĂ©venir les proches que la mise en bière sera avancĂ©e”. 

“Le processus de deuil commence là, quand les proches viennent voir le défunt.”

En règle gĂ©nĂ©rale, “si des retouches sont nĂ©cessaires, mais ça n’arrive que très rarement, les pompes funèbres s’en rĂ©fèrent aux thanatopracteurs. L’échange est totalement ouvert avec mes clients (les pompes funèbres, ndlr), les choses sont dites avec beaucoup de douceur. Je travaille dans un mĂ©tier oĂą il n’y a que de la sincĂ©ritĂ©. Le faux-semblant n’a pas sa place.” La responsabilitĂ© de ces professionnels de la mort, en revanche, oui. Le thanatopracteur est en effet la pierre angulaire entre la famille et le conseiller funĂ©raire qui va expliquer et vendre les  services. “Nous nous devons d’être irrĂ©prochables, pour nos clients, pour les proches car le processus de deuil commence lĂ , quand ils viennent voir le dĂ©funt”. 

Dans le métier de thanatopracteur, les échanges ne se limitent pas au monde des vivants. Pendant toute la toilette mortuaire, “comme vous avez pu le constater, je parle toujours aux défunts », dit Séverine en rapprochant la table funéraire réfrigérante vers elle. En deux mouvements techniques, elle glisse le corps de Claudine M., allongée puis recouverte de la parure beige dorée dans un tissu épais. “Je veille à ce que la tête ne penche pas d’un côté ni de l’autre”, ajuste la thanatopractrice. Claudine M. est prête, quelqu’un frappe à la porte : “La famille est là”, glisse la voix suave et discrète de l’agent de la chambre funéraire. Une professionnelle disponible pour l’accueil des proches, l’aménagement du salon de présentation. Selon les funérariums, l’agent funéraire peut aussi réaliser la toilette mortuaire et accompagner le thanatopracteur dans les soins de conservation (aide à la manipulation du corps, préparation et entretien des instruments).

Séverine Delmasse hoche la tête et oriente la table mortuaire vers la porte pour transporter Claudine M. dans son salon d’accueil. Lumière tamisée, moquette moelleuse, changement d’ambiance : c’est l’heure de la veillée. Derniers regards et dernières paroles en présence de la défunte. Incipio dit au revoir en silence à Claudine M. et retourne dans la salle technique. Séverine Delmasse dira quelques mots à la famille avant de nous rejoindre. Claudine M., elle, sera inhumée le lendemain. “Il m’arrive de rencontrer les familles si elles en font la demande, ou si une information particulière doit être transmise. J’aime ce relationnel, autant que j’apprécie la solitude inhérente à ce métier, partage-t-elle quelques instants plus tard, autour d’un thé chaud bienvenu sous la terrasse couverte de la chambre funéraire.

De l’art d’être à sa place

“Si on m’avait dit il y a 10 ou 20 ans que j’en serais là, j’aurais sûrement eu du mal à y croire, avoue Séverine Delmasse qui pourtant donne l’impression d’avoir fait ce métier toute sa vie. Aujourd’hui, pour rien au monde, si ce n’est mes enfants bien sûr, je ne remettrai en question ce que je fais. Ma priorité c’est mon métier, ce sont les morts qui ont besoin de soin.” Une belle rencontre jusqu’à la dernière poignée de main. Séverine Delmasse retourne en salle, rejoindre ses défunts dans le calme des petits soins. Incipio reprend la route, scrutant les visages, ceux des passants, ceux des vivants.

*thanatopraxie ou soins de conservation, réglementation funéraire, médecine légale, hygiène/sécurité sanitaire/responsabilité, ergonomie et manutention, histologie/anatomie/physiologie, éléments de gestion des entreprises, sciences humaines de la mort/éléments de déontologie et d’éthique. Pour plus de renseignements, rendez-vous au niveau de l’annexe 2 de l’arrêté du 18 mai 2010 réglementant la formation au métier de thanatopracteur

**par soucis d’anonymat, le prénom, l’initial, le jour du reportage, les détails vestimentaires et l’âge de la défunte ont été changés

***les frais de transport du corps et les soins de conservation peuvent ĂŞtre couverts par le dĂ©funt en cas d’anticipation, la famille ou l’établissement  hospitalier qui doit alors attester par Ă©crit du « transfert effectuĂ© Ă  la demande du directeur de l’Ă©tablissement, sans frais pour la famille »

****entre le dĂ©cès et les funĂ©railles, les corps des dĂ©funts peuvent Ă©galement ĂŞtre conservĂ©s Ă  domicile, dans un institut mĂ©dico-lĂ©gal ou  dans une chambre mortuaire d’un hĂ´pital

Crédit photo

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Sources

  • – Reportage SĂ©verine Delmasse, Chambre funĂ©raire de la Classerie 44 400 RezĂ©, novembre 2024
  • – Ministère de la SantĂ© et de l’Accès aux soins. Thanatopracteur (examen d’accès au diplĂ´me national)

Consulté en novembre 2024. En ligne : https://sante.gouv.fr/metiers-et-concours/les-concours/liste-des-concours-et-examens-par-ordre-alphabetique/article/thanatopracteur-examen-d-acces-au-diplome-national