Depuis 2018, la loi “Sueur II” interdit la conservation des cendres à domicile. De quels droits disposent alors les proches du défunt quant au devenir des cendres après une crémation ? Les précisions de Me Philippe Nugue, avocat spécialisé dans le secteur funéraire au sein du cabinet Adaltys.

“Pour comprendre la législation relativement récente sur la propriété des cendres, il faut resituer un peu le contexte. Ainsi, dans l’article 16-1-1 du Code civil, créé en 2008, il est écrit que “le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.” Et que “les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.”

Comment se traduisent ces notions de respect, de dignité et de décence ? Dans les faits, le corps humain ne peut pas faire, en France, l’objet d’un commerce. En l’occurrence, “il a fallu de longues décisions de justice liées à des conflits familiaux avant d’avoir un régime fixé en ce sens par des textes, résume Me Philippe Nugue. Ces conflits familiaux portaient précisément sur cette question du devenir de la dépouille, jusqu’ici associée à un souvenir de famille”, une fois les cendres recueillies après la crémation.

Quel devenir pour les cendres ?

Dans les faits, après un décès, une fois la crémation effectuée, les cendres du défunt “sont recueillies dans une urne munie d’une plaque indiquant l’identité du défunt et le nom du crématorium”, rappelle le site du Service public. 

“Dans certains cas, les défunts ont fait part de leurs volontés de leur vivant concernant le devenir de leurs cendres, prolonge Mr Nugue. Dans d’autres situations, et c’est la majorité des cas, “les gens n’ont pas exprimé leur dernière volonté. Aucune décision n’a donc été prise en amont du décès et la recherche d’indices de ce qu’aurait été le choix revient alors aux proches”. Quelle parole va-t-elle être entendue ? Il va s’agir de “la personne la plus proche du défunt, celle qui entretenait un lien privilégié avec le défunt, et qui pourra être celle en charge des funérailles, précise Me Nugue. C’est la qualité de la relation qui va être prise en compte, sans forcément qu’il y ait de hiérarchie entre les liens biologiques, sentimentaux, amicaux”.

“Les cendres bénéficient d’un statut juridique, au même titre que l’est un corps humain et ne peuvent donc être conservés à domicile”, Me Philippe Nugue, avocat au sein du cabinet Adaltys

Mais alors peut-on, actuellement, conserver l’urne des cendres au-dessus de la cheminée ou sur l’étagère à souvenirs ? La réponse est non, comme le prévoit la loi “Sueur II” depuis 2018, du nom du Jean-Pierre Sueur, alors sénateur PS du Loiret, à l’origine de la proposition de loi. Depuis cette date, les cendres funéraires bénéficient en effet d’un statut juridique, au même titre que l’est un corps humain et ne peuvent donc être conservés à domicile. Pas plus qu’elles ne peuvent être séparées et réparties en différents endroits.  En termes législatifs, “on précise bien que le corps ne rentre pas dans les règles habituelles du partage : le corps ne rentre pas dans le partage de l’héritage”.

La conservation de l’urne funéraire à domicile reste tolérée dans une seule situation : le temps que l’organisation se mette en place concernant la destination finale des cendres.

“Pouvons-nous garder les cendres d’un défunt chez nous”? : la réponse en VIDÉO par le Service Public

Conflits et procédures

Et si cette loi n’est pas respectée ? Alors “le juge peut prescrire toute mesure pour empêcher une atteinte illicite aux cendres, en application de l’article 16-2 du Code civil”, souligne Mr Nugue. En clair, le juge pourrait fixer la destination finale des cendres. Quelle procédure peut par ailleurs être enclenchée en cas de désaccord entre les membres d’une même famille ou groupe d’amis concernant le devenir des centres ? “Les proches peuvent demander des dommages et intérêts sous le motif d’avoir subi un préjudice moral, sachant que le devenir des cendres est le point qui prête le plus à discussion, la plupart du temps dans des familles qui vivent éloignées et qui revendiquent souvent que les cendres soient au plus près de chez l’un ou l’autre pour pouvoir se recueillir le plus régulièrement possible.” Dans ce cas, “le juge va prendre en compte la situation des proches, c’est à dire souvent la famille : s’il y a plus de famille à tel endroit, la nature des liens, les modes de déplacement possibles pour se recueillir etc.”.

Dispersion des cendres, inhumation ou scellage de l’urne

Selon l’article 16 de cette même loi, il existe d’autres possibilités concernant le devenir des cendres funéraires, la dispersion étant la plus connue. Mais dans quel cadre légal s’applique-t-elle ?

La répartition des cendres funéraires peut se faire uniquement “dans des espaces  naturels non aménagés”

Les cendres funéraires peuvent être dispersées “en pleine nature et en totalité”, décrit Mr Nugue. Selon la circulaire de 2009, la répartition peut se faire uniquement “dans des espaces  naturels non aménagés”, en forêt, dans un champ, dans un lac, tant qu’aucune habitation ne se situe aux alentours, ou encore en pleine mer (y compris l’immersion des urnes en matière biodégradable) en prenant soin de disperser les cendres à 300 mètres au minimum du rivage. 

Dans tous les cas, la mairie de la commune de naissance du défunt doit être informée de ce lieu de dispersion. A noter que certaines communes s’opposent à la dispersion dans des cours d’eau en particulier : dans ce cas, mieux vaut se renseigner auprès de la mairie. Autre point important à retenir : la dispersion reste interdite dans tous les lieux publics :  stade, terrain de jeux, square, jardin public… Et en cas de dispersion à l’étranger, c’est la réglementation du pays de destination qui s’applique. 

Il est également possible de disperser les cendres :

  • Dans le jardin souvenir du cimetière ou à proximité du crématorium dont dispose chaque commune française de plus de 2 000 habitants*
  • Sur le terrain communal du cimetière et ce de façon gratuite
  • Sur une propriété privée (champ, prairie, forêt sauf jardin) à condition de respecter des règles très strictes. La servitude du lieu doit en effet être perpétuelle : autrement dit le lieu doit pouvoir être accessible à vie à la famille et aux proches, même en cas de vente du bien. Ce qui suppose bien sûr l’accord du propriétaire, et de possibles contraintes à la revente du bien. En somme, il est illégal “de disperser les cendres dans une propriété privée”, hors zone urbaine. En revanche, “l’inhumation de l’urne dans une propriété privée est possible sous autorisation préfectorale”. Les pompes funèbres peuvent se charger de ces formalités
  • L’urne peut aussi être inhumée dans une case de columbarium, dans une cavurne ou dans un caveau ou scellée sur une sépulture

La conservation temporaire des cendres est possible

Et si aucune décision n’a été prise concernant le devenir des cendres ? Toujours selon la loi Sueur II, “dans l’attente d’une décision relative à la destination des cendres, l’urne cinéraire est conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder un an”. Pendant ces 12 mois, cette même urne peut également être conservée “dans un lieu de culte, après accord de l’association chargée de l’exercice du culte”.

Une fois passé ce délai d’un an, si aucune décision finale n’a été prise, “les cendres sont dispersées dans l’espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans le site cinéraire le plus proche.”

Transport de l’urne : que dit la loi Sueur II ?

Concernant le transport de l’urne sur le territoire français, il est possible de se déplacer librement avec, sans précaution particulière. En revanche, si le transport s’effectue à l’étranger, l’obtention d’un laissez-passer auprès de la préfecture est obligatoire. Idem concernant les documents demandés par le pays de destination. Dans ce cas, l’urne sera systématiquement scellée.

*dans ce cas, la mairie de la commune de naissance du défunt doit également en être informée

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La mort et les deuils n’ont malheureusement pas de frontière. Il arrive en effet que des décès surviennent à l’étranger et qu’il faille rapatrier le corps du défunt en France. Une étape indispensable pour procéder aux rituels de la veillée mortuaire, de la cérémonie d’inhumation ou de crémation pour prendre le chemin du deuil. Quelles sont les démarches à effectuer ? Les réponses de Dominic Vernhes, président directeur général d’Anubis.

La gestion d’un rapatriement d’un corps suite à un décès survenu à l’étranger fait partie des imprévus de la vie pas toujours évident à gérer. Pour ne pas être trop déboussolé(e) le moment venu, mieux vaut être informé(e) des démarches à effectuer.  

Première étape en cas de décès survenu à l’étranger : “il faut se rapprocher en premier lieu de l’autorité consulaire représentant le pays du ressortissant décédé”, précise Dominic Vernhes, président directeur général d’Anubis*, entreprise spécialisée en assistance funéraire internationale. Selon les cas, une entreprise comme Anubis, l’entreprise de pompes funèbres ou la personne la plus proche du défunt, va organiser les démarches pour rapatrier le corps en France. 
Le Service public propose aussi une liste d’interlocuteurs disponibles pour vous accompagner dans ces étapes, alors que le choc de l’annonce du décès et est à l’œuvre.

Mise en bière et transport de la dépouille

Quelles sont ensuite les différentes étapes d’un rapatriement du corps à l’étranger ? Tout d’abord le choix du mode de transport. Entre la voie terrestre, aérienne ou ferroviaire, “nous optons pour celui qui présente le moins de rupture, donc le plus direct dans le respect du proche décédé, le plus fiable, atteste Dominic Vernhes. Autres critères pris en compte : “le coût, incluant les accompagnateurs s’il y en a”. 

De son côté, la préfecture où la mise en bière a eu lieu délivre un document écrit certifiant l’autorisation de transport de la dépouille. D’autres papiers doivent également être fournis : la pièce d’identité du défunt, son acte de naissance et son acte de décès, l’autorisation d’inhumation, l’autorisation du préfet ou du consulat.

Dans tous les cas, “dès l’instant où cela répond à une expression des volontés ou d’un choix des proches, le transport des cendres est possible”, confirme Dominic Vernhes, pdg d’Anubis

Cercueil, caisson en métal et soins de conservation

Qu’il soit effectué par la voie terrestre ou aérienne, le transport est très réglementé :

  • – “Le corps est placé et calé dans le cercueil dont le modèle de base dépendra du pays de survenance du décès”, précise Dominic Vernhes
  • – Le cercueil doit obligatoirement être muni d’un caisson en métal pour assurer un hermétisme total
  • – Chaque compagnie aérienne dispose de ses propres contraintes légales. Certaines d’entre elles imposent que les soins de conservation aient été effectués avant la mise en bière. D’autres exigent que le cercueil soit encastré dans une caisse de bois
  • – Lorsque les soins de conservation sont réalisés dans le pays étranger dans lequel le décès est survenu, l’équipe médicale remet une attestation qui devra être présentée aux autorités et à la compagnie aérienne 

Dans les jours suivant le décès, les démarches pour transporter une dépouille dans un cercueil peuvent être vécues comme très contraignantes par certaines familles. Il arrive donc que la crémation soit réalisée sur le lieu de décès avant de transporter l’urne en France. Des contraintes sont certes imposées pour cet acheminement des cendres, mais ces dernières sont en règle générale plus simples à gérer. Dans tous les cas, “dès l’instant où cela répond à une expression des volontés ou d’un choix des proches, le transport des cendres est possible”, confirme Dominic Vernhes.
Et sous combien de temps le rapatriement du corps est-il effectué ? Ce délai est “très variable de quelques jours à quelques semaines, relaie Dominic Vernhes. Cela dépend de beaucoup de paramètres, de la cause de décès, du lieu, de la personne décédée sans parent sur place, de la question de la desserte régulière ou non de la destination de retour, de la prise en charge financière, de l’absence de conflit familial…”. “Le critère religieux” peut aussi entrer en ligne de compte. En fonction des pratiques (catholique, musulmane, juive, hindouiste, bouddhiste), les rites d’inhumation ou de crémation peuvent en effet différer en fonction de la toilette mortuaire.

Coût et assurances des frais de transport

Comme le précise Dominic Vernhes, “un rapatriement de corps représente une charge financière très variable selon le pays” dans lequel le décès est survenu. “Sans que ce soit une obligation, il peut être très utile de vérifier si une prise en charge financière partielle ou totale peut être sollicitée auprès d’un organisme d’assurance et/ou d’assistance comme par exemple un contrat lié à une carte bancaire**, sous réserve de disposition spécifique tel que le paiement d’un billet avec sa carte mais aussi un contrat lié à l’obligation d’un contrat d’assistance requise par le pays de destination pour obtenir un visa…”

Le montant de la couverture va bien sûr varier selon la nature du contrat et le montant de cotisation de l’assuré. Les assureurs couvrent en règle générale : 

  • – les frais de transport du lieu du décès (lieu public, hôpital…) vers le point de départ du rapatriement (lieu de location, aéroport…)
  • – les frais de transport du lieu d’arrivée en France jusqu’au lieu des obsèques

Les frais de la compagnie de transport peuvent être partiellement ou nullement couverts.

Mais de quel frais parle-t-on pour évaluer le coût d’un rapatriement ? De la toilette mortuaire, des rituels sur la dépouille, de la prestation des pompes funèbres, du prix du cercueil, du tarif de la compagnie de transport (terrestre, aérienne, maritime). Si la voie terrestre est choisie pour le transport de la dépouille, le coût sera fixé en fonction de la durée du trajet.

Des empêchements au rapatriement ?

Dans quelles conditions le rapatriement peut-il être compliqué voire empêché ? 

  • – “Pendant le Covid, certains pays n’acceptaient pas les entrées de certains pays”, se rappelle Dominic Vernhes
  • – Lorsque “l’identification du corps est impossible”
  • – “En cas de coût trop élevé”
  • – “En cas de conflits familiaux”
  • – “Lorsque le rapatriement survient au sein d’une zone de conflit”
  • – “Lorsqu’aucune relation diplomatique n’existe pas entre les deux pays concernés”
  • – Lorsque le ou la défunt(e) était atteint(e) d’une maladie transmissible comme le VIH/SIDA, aucun soin de conservation ne peut être prodigué : dans cette situation le médecin ne pourra pas certifier la non-contagiosité lors du transport. Des mesures particulières sont alors prises pour assurer le transport : le corps doit être enveloppé dans un linceul imbibé d’une solution antiseptique. La liste des maladies contagieuses concernées par cette procédure sont consultables sur cette page
  • – Lorsque aucune une contrainte légale n’a pas été respectée
  • – Lorsque le famille proche n’a pas donné son accord écrit pour le rapatriement du corps

Pour aller plus loin : rendez-vous sur cette page si vous voulez en savoir davantage sur le rapatriement d’un corps de France vers l’étranger. Cliquez sur ce lien pour connaître les procédures sur le rapatriement d’un corps sur le sol français d’une ville à une autre. Toutes les informations sur le rapatriement d’un département d’outre-mer en métropole sur cette page.

*Anubis est agréé agréé IATA Freight Forwarder depuis 20 ans, cas unique dans la profession

**le contrat peut aussi être lié à une assurance habitation ou à une responsabilité civile

Source

  • – Interview de Dominic Vernhes, président directeur général d’Anubis, le 28 novembre 2024

Service-public.fr. Transport d’une personne décédée. Consulté en janvier 2025. En ligne : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35706

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A la perte d’un proche, nombre d’entre nous sommes tentés de tenir les enfants éloignés des rites funéraires, de peur de les exposer à la réalité trop crue qu’est la mort. A quel point est-il  important, à l’inverse, de leur faire une place dans toutes les phases de la perte d’un proche ? Comment rester à l’écoute de leurs propres ressentis, s’ils refusent ou insistent de voir le corps et/ou d’assister à la cérémonie ? Les éclairages de Catherine Dolto, médecin pédiatre, praticienne en haptonomie et écrivaine.

Quand un proche décède, certains adultes peuvent avoir tendance à ne pas convier les enfants à la cérémonie, encore moins à la veillée mortuaire. Par peur, par réflexe, par protection. “Par reproduction de la façon dont l’adulte a été élevé, par transfert de l’adulte vers  l’enfant quand l’adulte a, par le passé, été traumatisé par quelque chose au sujet de la mort.”

Mais les enfants sont bien “plus résistants à la réalité que l’on veut bien le penser, si les choses sont amenées au bon moment, à hauteur d’enfant. Ils en ont même besoin, de la réalité, pour consolider les repères de leur petit monde en construction qu’un premier deuil va souvenir venir fragiliser”

Des rituels et être ensemble

Ainsi, ne pas proposer à un enfant de venir voir la personne décédée, ne pas le convier à la cérémonie revient à l’exclure d’un processus dont tous les adultes ont besoin pour accepter la mort et commencer le chemin du deuil. “Les rituels, établis pour les vivants, sont là pour amadouer la violence de la mort de quelqu’un qui était là mais qui n’est plus là, souligne Catherine Dolto. Il en faut, et de l’être ensemble également, pour humaniser cette énigme de la mort. Tous les êtres humains, à tous les âges de la vie, en ont besoin. Il est important de faire une place aux enfants dans ces rituels, s’ils le souhaitent.” Mais “nous sommes dans une époque de sur-protection générale. On écarte les enfants pour qu’ils ne soient pas traumatisés. Or je pense que c’est vraiment l’inverse qui se passe”.

Avant la mise en bière

Voir un mort reste quelque chose de fort, de singulier, de percutant. “Après le décès, le corps est froid, le visage n’a plus d’expression, c’est très interpellant. Cela reste visible pour beaucoup d’entre nous, décrit Catherine Dolto. Pour d’autres, un peu moins. Ainsi, il appartient à chacun de vouloir voir le mort une dernière fois, ou non, et ce à tous les âges de la vie. Pour un enfant en particulier, l’attention doit être portée sur leur volonté, ce qu’ils expriment à ce sujet.

Il est donc essentiel de lui faire une place lors de la veillée mortuaire, autant que de respecter son souhait s’il préfère rester éloigné de tout cela, même après avoir reçu toutes les explications sur le fait que cette rencontre est là pour voir le corps une dernière fois.

Mais comment faire, concrètement, pour aborder le sujet de la veillée mortuaire avec un enfant, sans le forcer à quoique ce soit ? Premier pas : “laisser l’enfant mûrir ses propres questions et sa position face à la mort est primordial, car ça peut vraiment être très violent”, souligne Catherine Dolto. Dans le détail, vous pouvez :

  • Lui expliquer qu’il a le droit de venir voir papi, mami… une dernière fois s’il en a envie, qu’il n’est pas obligé, que s’il le veut vous serez là pour l’accompagner, lui tenir la main, sortir quand il en a envie.
  • S’il dit oui, lui dire simplement que le corps/le visage des morts n’est pas le même que celui des vivants parce que l’oxygène/l’air ne circule plus, que le visage ne sera peut-être pas de la même couleur mais que c’est normal
  • Ne le forcez pas à venir voir le mort ni à l’embrasser. Au sein d’une même fratrie ou troupe de cousins, les réactions peuvent être très différentes et il est bon de s’adapter à chaque enfant
  • Prévoir un adulte pour accompagner l’enfant qui pourra s’en aller si la veillée dure trop longtemps et/ou qu’il a envie de sortir 
  • Lui proposer de rentrer dans la pièce de recueil, mais de rester loin du corps s’il se sent plus à l’aise à distance

Lui expliquer “ce que l’on va faire du corps, en lui disant que l’on va s’occuper de ses restes d’une façon digne, que l’on va l’honorer par un rituel qui peut être religieux, laïque. Le signe que nous sommes des humains”.

“Les tout-petits demandent rarement de venir voir le mort, mais si l’enfant insiste, il faut accepter tout en le préparant car ça va être très déroutant”, Catherine Dolto

Et si votre enfant vous semble vraiment trop petit pour assister à la veillée mortuaire et que vous ne savez pas comment réagir ? “Les tout-petits demandent rarement de venir voir le mort, mais si vraiment l’enfant insiste beaucoup, il faut accepter en essayant de comprendre pourquoi, tout en le préparant car ça va être très déroutant”, souligne Catherine Dolto. 

“Je peux venir à la cérémonie ?”

Et sur le fait d’emmener un enfant à la cérémonie ? Ils doivent y “participer, c’est une évidence”. Comment, alors, aborder ce sujet ? 

  • – Lui demander s’il a envie de venir avec tout le monde “se recueillir pour honorer le souvenir de papi, mami”… Là aussi, on évitera les termes “dire au revoir à papi, mami, car il ne faut pas parler de départ”, afin que l’enfant ne soit pas l’attente d’un retour de la personne. “Au revoir implique un revoir”, souligne Catherine Dolto à ce sujet
  • – “Le prévenir, lui expliquer le déroulé de la cérémonie, leur dire ce qui va se passer, quand le cercueil va entrer dans la terre ou dans le four”
  • – Prévoir un adulte pour accompagner l’enfant si la cérémonie est trop longue
  • – Lui demander où il souhaite se placer dans la salle de cérémonie ou dans l’église : s’il souhaite rester loin du cercueil ou s’il a envie de s’en approcher

Pour aller plus loin : Incipio a publié un article sur la symbolique de la mort auprès des petits : comment en parler, comment la représenter ? Vous pouvez le consulter en cliquant sur ce lien.

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Sources

  • – Interview de Catherine Dolto, médecin pédiatre, praticienne en haptonomie et écrivaine, le 13 novembre 2024


Les soins de conservation sont prodigués auprès d’une personne décédée avant son inhumation ou sa crémation. Cette spécialité, celle du thanatopracteur, consiste à ralentir le processus de décomposition du corps. Associée à la toilette mortuaire, il s’agit de prendre soin, d’accompagner le défunt dans la dignité, de le rendre présentable auprès des proches venus se recueillir lors de la veillée. Pour en savoir plus, Incipio est allé à la rencontre de Séverine Delmasse, thanatopractrice dans la région nantaise.

L’enveloppe d’un corps et tout ce que le mouvement, le souffle, le sourire propulsent d’énergie quand celui-ci est encore en vie. Tout cela prend encore plus d’épaisseur quand devant vos yeux se trouve la mort. Simplement. Un corps qui s’est éteint, inerte à tout jamais, là juste devant vous, dans tout ce qu’il y a de plus brut et d’authentique. Tic tac le temps est passé, le dernier regard s’en est allé.

Les métiers de la mort sont en contact permanent avec ce pouls fini de la vie. Les professionnels des pompes funèbres, les spécialistes de la médecine légale et des soins de thanatopraxie travaillent au quotidien avec cette réalité qu’est la mort, le vécu des proches, des familles. 

Une astreinte permanente

Curieux, animé par l’idée de témoigner de ces métiers essentiels, Incipio est allé à la rencontre de l’une d’entre elles pour aborder le sujet des soins de conservation. Embarquons pour deux heures entre quatre murs avec Séverine Delmasse, thanatopractrice installée depuis un an et demi dans les Pays de la Loire. 

Il est 14h15, nous avons rendez-vous à la chambre funéraire de la Classerie, à Rezé près de Nantes. Ce vendredi après-midi d’automne est gris à souhait, plutôt frais mais le tempérament chaleureux de la cinquantenaire nous embarque immédiatement. Voiture garée, vapote en mains, veste de cuir, carré blond foncé et regard bleu profond, la rencontre avec Séverine Delmasse se fait à même le parking. Et la discussion commence naturellement, sans emphase, les pieds dans le gravier. 

“Je reviens de Saint-Nazaire où j’ai été m’occuper d’un soin à domicile ce matin, un aller-retour de 80 kilomètres et cet après-midi je suis ici, prévient celle qui enchaîne les semaines de travail sans compter les kilomètres, sans jour de pause avec des levers réguliers à 6h. “Les semaines sont denses. Même si je n’ai pas de soins tous les jours, il faut être debout de bonne heure car le téléphone peut sonner à tout moment.” Une astreinte permanente, “avec parfois des journées comme celle d’hier qui commencent à 5h et se terminent à 21h. Mais je ne vois pas le temps passer.” Métier passion, quand tu nous tiens.

Comment cette reconversion a-t-elle débarqué dans la vie de  Séverine Delmasse, après avoir travaillé pendant 20 ans en tant que commerciale dans le milieu bancaire ? “Par le biais d’un bilan de compétences, la profession de thanatopracteur s’est révélée comme une évidence. Je l’avais en tête depuis plusieurs années”. Avec cet accompagnement, Séverine Delmasse qui l’a maintenant dans la peau, ce métier, a pu cerner les raisons pour lesquelles la thanatopraxie allait lui ressembler à ce point.

Les candidats admissibles au concours doivent avoir réalisé 75 soins en autonomie, avant de présenter à l’examen pratique

Et comment devient-on thanatopracteur ? Des enseignements théoriques sont délivrés sur une durée de 2 mois, 190 heures précisément, en fin d’année. Le programme, court mais intense, comprend  10 matières*. Le concours d’admission, organisé chaque année au mois de janvier, comprend ensuite deux épreuves de 3 heures écrites chacune. Et les places pour obtenir le diplôme national de thanatopraxie sont chères. “La sélection s’effectue avec un numérus clausus, 400 candidatures sont déposées pour 65 pris, souligne Séverine Delmasse. Ensuite, “pour pouvoir se présenter à l’examen pratique, les admis doivent avoir réalisé 75 soins en autonomie avant la fin de l’année, sous la supervision du maître de formation ou de stage. ”. Un seuil fixé à 75 soins depuis 2023, contre 100 soins auparavant.

Bien sûr, les choses peuvent se faire en plusieurs étapes. “Je n’ai pas eu le concours la première fois, témoigne Séverine Delmasse. J’ai donc commencé par travailler avec un thanatopracteur dans une petite entreprise sur Poitiers. Comme il n’arrivait pas à faire décoller les ventes de ses produits, importés des Etats-Unis, je lui ai proposé de m’occuper de sa prospection les trois-quart de mon temps. Et le quart restant, je me déplaçais avec lui pour assister aux soins et en voir un maximum”. De quoi rouler sa bille avant de passer le concours en janvier 2022, d’intégrer l’école en septembre de la même année. “Comme j’avais arrêté de travailler pour préparer mon examen, j’ai pu réaliser 300 soins avant de passer l’épreuve pratique en octobre 2022. J’ai été officiellement diplômée le 15 mars 2023. Je me suis ensuite installée”. Une fois diplômés, les thanatopracteurs ont le choix entre trois statuts : le salariat, le régime indépendant ou le remplacement, pour celles et ceux qui souhaitent, entre autres raisons, être en vacances plus régulièrement.

Blouse rose et bistouri

Soudainement les portes du funérarium s’ouvrent de l’intérieur, les coulisses d’un monde caché avec. Une dame brune glisse sa tête, chemisier à fleurs et parole bienveillante : “Séverine, Madame Claudine M.** est prête”.  Claudine M. est donc la défunte que nous sommes venus voir aujourd’hui. Ni une ni deux, notre thanatopractrice range sa vapote, ouvre son coffre et sort sa valise à compartiments, la place sur un chariot sans oublier la trousse à maquillage couleur citrouille posée sur le dessus. “C’est pour la toilette mortuaire. Vous êtes prête, on y va ?”

Séverine Delmasse nous convie à l’intérieur de cette pièce carrelée de gris, murs blancs et lumière blanche néon. Un mini-laboratoire plutôt encombré. C’est qu’il y a du monde à l’intérieur. On repère trois portes de cases réfrigérées, sorte de grands frigos où les corps sont conservés avant la mise en bière : une droit devant, deux sur notre gauche, près des chariots métalliques et d’un cercueil scellé d’un cercle rouge, signe qu’il est occupé et prêt à partir pour l’incinération : non Claudine M., n’est pas la seule défunte présente dans cette pièce. Nous apprendrons par la suite qu’une chambre funéraire doit posséder autant de cases réfrigérées que de salons d’accueil.

“Aujourd’hui nous faisons une simple toilette mortuaire, précise Séverine Delmasse en enfilant sa blouse de protection rose. Mais je vais vous expliquer en quoi consiste un soin de conservation.” Le recours aux soins complets n’est donc pas automatique.” Ce choix va dépendre de ce que le défunt avait demandé de son vivant ou de ce que les familles souhaitent si aucune volonté de leur proche n’avait été partagée. La raison de se cantonner à une toilette mortuaire peut également être d’ordre financier si le coût est assuré par les proches.

Racontez-nous un soin

D’un geste rapide et précis, la thanatopractrice installe sa valise dans un coin, sort tous ces instruments de sa mallette pour les installer sur un plateau de métal. Aux aguets, nous suivons du regard chaque ustensile courbé, tranchant, long ou large.  Que trouve-t-on précisément dans cette panoplie dédiée aux soins de conservation ?

“L’objectif d’un soin de conservation c’est de figer la décomposition, de redonner un peu de couleur, de la souplesse sur la peau”, Séverine Delmasse

“Pour un soin, une fois que le défunt est installé, on utilise un bistouri pour pratiquer une incision au niveau de l’appendice xyphoïde, aller chercher le cœur et plus précisément une artère que l’on positionne sur une lame séparatrice pour la sectionner, avant d’introduire une canule reliée à un bidon sous pression qui va envoyer le formol. Le formol va réactiver la circulation sanguine, pousser le sang en passant par les cellules et les tissus. L’idée c’est de figer la décomposition, de redonner un peu de couleur, de la souplesse sur la peau. Une fois que le formol a fait le tour, il va dans le cœur et comme le cœur ne bat plus, il va grossir. C’est là que l’on utilise un trocart : avec des repères thoraciques on insère ce tuyau quand le cœur est suffisamment gros pour en vider le sang. Ce sang, environ 5L en fonction de la corpulence, va partir dans une poche.” 

D’autres instruments vont permettre “d’aller chercher des artères, les clamper, de nettoyer les ongles, couper les pansements, la moustache. Je me sers aussi de pinces pour nettoyer, poursuit la thanatopractrice. Lors de l’injection, j’utilise une pince dieffenbach pour éviter que le flux ne reparte trop vers le visage qui est très fragile. Pour la suture de la bouche, j’utilise une aiguille courbe et pour les autres sutures, une aiguille serpentine.” Au total, il faut compter “1h30 pour un soin”.

Une toilette mortuaire physique et délicate

Une fois ces présentations matérielles terminées, place à la trousse de maquillage, la brosse à cheveux et la tenue de change confiée par la famille. “J’aime que tout soit bien organisé, tout sortir dès le départ pour ne pas perdre de temps à chercher dans mes affaires une fois que le soin et la toilette mortuaire ont commencé. Comme ça je suis pleinement disponible, avec le défunt, pas le nez dans ma valise.” 

L’horloge tourne, il est prévu que la famille vienne rendre son unique visite à Claudine M. dans la journée. Action réaction Séverine Delmasse se retourne sur ses baskets à semelles compensées, ouvre la porte de la case réfrigérée. Celle en face de nous. La température, de -2 à 4°C maximum, vient refroidir la salle. Le regard scrute, en visu le bout d’une housse avec, a priori des pieds à l’intérieur, apparaît. “Je vous propose de me tourner le dos, je prends connaissance du corps et je vous dis ce qu’il en est, s’il est visible”, propose-t-elle. Bonne idée. Car personne n’est suffisamment armé pour savoir comment réagir face à un corps mort que l’on ne connaît pas. Face à un corps mort tout court, d’ailleurs. Précaution donc, Incipio fait volte face, la housse est dézippée et quelques secondes passent. Claudine M., décédée à 51 ans, “est jolie. Il n’y a aucun défaut sur son visage. Elle est juste un peu rouge mais complètement visible. “Vous pouvez vous retourner.” Incipio s’accroche à son calepin et se retourne pour une rencontre un peu spéciale, mais une rencontre quand même. Une rencontre surtout. Incipio se surprend même à prononcer quelques mots, quelques phrases, adressées directement à Claudine M. Nous avons en face de nous une personne morte, une personne. De but en blanc, Séverine Delmasse commence à déshabiller la défunte. Les gestes sont délicats et fermes à la fois. 

Squat, spray huilé et putréfaction

Et manipuler un corps mort ne s’improvise pas. “J’adopte toujours la même technique, dès que je lève une partie du corps je serre les abdos, je ne me penche jamais en avant, je me mets en position squat” pour les petits gabarits comme pour les plus robustes. Les thanatopracteurs n’ont pas le choix d’adopter les bonnes postures, “de protéger leur dos en permanence, pour tenir dans le temps”, dit-elle en enlevant le gilet bleu de Claudine M., en passant son t-shirt par-dessus sa tête et en enlevant son legging beige avant de lui recouvrir les jambes par le bas de la housse mortuaire, le temps de s’occuper de la partie haute de son corps. Claudine M. n’aura pas froid, simple question de dignité. “Voilà comme ça vous êtes bien, je vous masse un peu les doigts Madame. Après le décès, plus le temps va passer, plus le corps va se raidir, nous explique Séverine Delmasse. Les muscles se tendent, on vient donc assouplir les bras et le visage. C’est bien si les proches peuvent voir les mains sans qu’elles soient trop raides. J’essaie de toujours faire mon possible même si parfois la couleur de la peau et l’apparence font que l’on est obligé de les cacher”, sous la parure de la table funéraire.

 “L’accueil des corps dans la chambre funéraire se fait dans les 24 heures suivant le décès, 48 heures si des soins de conservation ont été effectués.”

La question qui nous vient instinctivement ? De quoi est décédée Claudine M. ? Sauf si cela impacte la toilette mortuaire ou le soin de conservation, le thanatopracteur n’est pas informé du motif du décès. “Cela arrive que l’on trouve une chambre de chimiothérapie sur le corps du défunt, ce qui nous laisse supposer un décès par cancer. Certains accidents d’ordre traumatologique sont aussi parfois évidents.” Pour Claudine M. ce peut-être une crise cardiaque : “le teint rouge de sa peau laisse à penser que le cœur s’est arrêté en premier, provoquant un afflux sanguin vers le visage. D’ailleurs une partie de son ventre et de sa poitrine sont rouges également. Elle est peut-être décédée en tombant sur l’avant de son corps et restée un certain temps dans cette position.” 

Poursuite de l’observation du cadavre. A priori, le processus de décomposition – bien qu’invisible pour les novices – est en cours. “La peau sous son menton est en cours de putréfaction, cela lui donne un aspect rouge et elle est très fine, elle se désintègre légèrement sous mes doigts, explique la thanatopractrice. Claudine M. est décédée il y a quelques jours, il était temps de faire sa toilette.” Au fait, dans quel délai les défunts sont-ils pris en charge dans un funérarium ? “L’accueil des corps dans la chambre funéraire**** se fait dans les 24 heures suivant le décès, 48 heures si des soins de conservation ont été effectués.

“Je veille à suivre le mouvement naturel du cheveu pour que les proches puissent reconnaître le ou la défunt(e). C’est une intention importante, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme.”

“Pour les yeux qui ne sont plus lubrifiés, on utilise ces petites lentilles”, continue Séverine Delmasse, en nous montrant des petits opercules bombés et translucides, toujours guidée par sa souplesse et sa dextérité. “Elles permettent de rebomber l’œil, nous précise-t-elle. Je vais maintenant laver l’intérieur de la bouche et placer des cotons dans les orifices pour éviter les écoulements.” Puis, pour nettoyer le visage et redonner un teint plus naturel à la défunte, la thanatopractrice s’équipe de son spray huilé et d’une poudre. “J’utilise une huile pour le visage, et un shampoing sec quand les cheveux en ont besoin. Maintenant je vais vous recoiffer, prolonge Séverine Delmasse en se munissant de sa brosse pour remettre en place quelques épis rebelles de l’épaisse chevelure châtain de Claudine M.. “Je veille à suivre le mouvement naturel du cheveu pour que les proches puissent reconnaître le ou la défunt(e). C’est une intention importante, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme”. 

La ligne de conduite est la même pour les vêtements. “Nous devons mettre aux défunts tout ce que la famille nous a confié, quels que soient les gestes que cela suppose, poursuit la thanatopratice en dépliant la tenue de Claudine M., qui sera la dernière : un pantalon noir, un pull de maille beige clair et un chemisier bleu marine. “Je vais commencer par lui mettre une couche de protection dans le cas où certains liquides seraient amenés à couler, décrit la thanatopractrice en abaissant la housse puis le sous-vêtement de Claudine M. Vous voyez, on arrive au monde avec un bracelet et une couche, et on repart de la même façon, prononce calmement Séverine Delmasse. Pour enfiler les vêtements, les genoux et les épaules se plient en souplesse sous les bras de la thanatopractrice, ses jambes se réhaussent, ne dépassent jamais les bords de la table étroite. Des mouvements toniques mais jamais brusques. 

Parler aux vivants et aux morts

“Il y a deux phases dans mon métier, développe Séverine Delmasse. La première est esthétique, la seconde relève de la conservation. En début de soin, je commence par observer le corps, noter les points de vigilance. Si des petites choses ne vont pas dès le départ, quant à l’aspect du corps, on peut prévenir les proches que la mise en bière sera avancée”. 

“Le processus de deuil commence là, quand les proches viennent voir le défunt.”

En règle générale, “si des retouches sont nécessaires, mais ça n’arrive que très rarement, les pompes funèbres s’en réfèrent aux thanatopracteurs. L’échange est totalement ouvert avec mes clients (les pompes funèbres, ndlr), les choses sont dites avec beaucoup de douceur. Je travaille dans un métier où il n’y a que de la sincérité. Le faux-semblant n’a pas sa place.” La responsabilité de ces professionnels de la mort, en revanche, oui. Le thanatopracteur est en effet la pierre angulaire entre la famille et le conseiller funéraire qui va expliquer et vendre les  services. “Nous nous devons d’être irréprochables, pour nos clients, pour les proches car le processus de deuil commence là, quand ils viennent voir le défunt”. 

Dans le métier de thanatopracteur, les échanges ne se limitent pas au monde des vivants. Pendant toute la toilette mortuaire, “comme vous avez pu le constater, je parle toujours aux défunts », dit Séverine en rapprochant la table funéraire réfrigérante vers elle. En deux mouvements techniques, elle glisse le corps de Claudine M., allongée puis recouverte de la parure beige dorée dans un tissu épais. “Je veille à ce que la tête ne penche pas d’un côté ni de l’autre”, ajuste la thanatopractrice. Claudine M. est prête, quelqu’un frappe à la porte : “La famille est là”, glisse la voix suave et discrète de l’agent de la chambre funéraire. Une professionnelle disponible pour l’accueil des proches, l’aménagement du salon de présentation. Selon les funérariums, l’agent funéraire peut aussi réaliser la toilette mortuaire et accompagner le thanatopracteur dans les soins de conservation (aide à la manipulation du corps, préparation et entretien des instruments).

Séverine Delmasse hoche la tête et oriente la table mortuaire vers la porte pour transporter Claudine M. dans son salon d’accueil. Lumière tamisée, moquette moelleuse, changement d’ambiance : c’est l’heure de la veillée. Derniers regards et dernières paroles en présence de la défunte. Incipio dit au revoir en silence à Claudine M. et retourne dans la salle technique. Séverine Delmasse dira quelques mots à la famille avant de nous rejoindre. Claudine M., elle, sera inhumée le lendemain. “Il m’arrive de rencontrer les familles si elles en font la demande, ou si une information particulière doit être transmise. J’aime ce relationnel, autant que j’apprécie la solitude inhérente à ce métier, partage-t-elle quelques instants plus tard, autour d’un thé chaud bienvenu sous la terrasse couverte de la chambre funéraire.

De l’art d’être à sa place

“Si on m’avait dit il y a 10 ou 20 ans que j’en serais là, j’aurais sûrement eu du mal à y croire, avoue Séverine Delmasse qui pourtant donne l’impression d’avoir fait ce métier toute sa vie. Aujourd’hui, pour rien au monde, si ce n’est mes enfants bien sûr, je ne remettrai en question ce que je fais. Ma priorité c’est mon métier, ce sont les morts qui ont besoin de soin.” Une belle rencontre jusqu’à la dernière poignée de main. Séverine Delmasse retourne en salle, rejoindre ses défunts dans le calme des petits soins. Incipio reprend la route, scrutant les visages, ceux des passants, ceux des vivants.

*thanatopraxie ou soins de conservation, réglementation funéraire, médecine légale, hygiène/sécurité sanitaire/responsabilité, ergonomie et manutention, histologie/anatomie/physiologie, éléments de gestion des entreprises, sciences humaines de la mort/éléments de déontologie et d’éthique. Pour plus de renseignements, rendez-vous au niveau de l’annexe 2 de l’arrêté du 18 mai 2010 réglementant la formation au métier de thanatopracteur

**par soucis d’anonymat, le prénom, l’initial, le jour du reportage, les détails vestimentaires et l’âge de la défunte ont été changés

***les frais de transport du corps et les soins de conservation peuvent être couverts par le défunt en cas d’anticipation, la famille ou l’établissement  hospitalier qui doit alors attester par écrit du « transfert effectué à la demande du directeur de l’établissement, sans frais pour la famille »

****entre le décès et les funérailles, les corps des défunts peuvent également être conservés à domicile, dans un institut médico-légal ou  dans une chambre mortuaire d’un hôpital

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Sources

  • – Reportage Séverine Delmasse, Chambre funéraire de la Classerie 44 400 Rezé, novembre 2024
  • – Ministère de la Santé et de l’Accès aux soins. Thanatopracteur (examen d’accès au diplôme national)

Consulté en novembre 2024. En ligne : https://sante.gouv.fr/metiers-et-concours/les-concours/liste-des-concours-et-examens-par-ordre-alphabetique/article/thanatopracteur-examen-d-acces-au-diplome-national


Paroles, confiance, sécurité affective : quelles ressources permettent aux adultes d’aider les enfants à appréhender la mort et le deuil ? Comment parler de la mort aux plus jeunes d’entre nous ? Et à quel point les dessins et les livres sont-ils de précieux supports pour les aider à cheminer dans cette réalité qu’est la perte d’un être cher ? Les réponses de Catherine Dolto, médecin pédiatre, praticienne en haptonomie et écrivaine. 

Parler de la mort aux enfants peut faire peur aux grandes personnes. Quand elle s’invite dans le quotidien des tout-petits, certains adultes peinent en effet à formuler les choses telles qu’elles sont, à dire les mots, les vrais mots. 

Mais l’honnêteté et le choix des mots vont être essentiels au moment d’annoncer un décès, de répondre concrètement à toutes les questions des plus jeunes sur la disparition d’un être cher, à commencer par son animal de compagnie. Et l’impact est loin, très loin, d’être anodin. Mettre un enfant de côté en lui cachant la réalité de la mort, aussi dure soit-elle, peut être plus nocif que de lui exposer la réalité. Les enfants sont d’ailleurs tout à fait capables de capter une information authentique, sans métaphore ni symbole. En tant qu’adulte, vous pouvez donc vous baser sur la vérité, à hauteur d’enfant, quand un proche décède ou que le sujet de la mort commence à l’intriguer. 

Comment je prépare mon enfant à vivre les épreuves de la vie ?

Et cette position de vérité nourrit toute la relation qui lie les adultes aux enfants. “Il n’y a pas de vie sans mort, il n’y a pas de vie sans épreuve. L’adulte doit toujours avoir en arrière fond la question suivante : comment je prépare mon enfant à vivre les épreuves de la vie, que ce soit la mort, les échecs, les accidents de la vie ?” Personne n’a la panoplie complète pour y répondre, mais les piliers sont :

  • “la sécurité affective, c’est à dire trouver quelqu’un à qui parler de la mort, du deuil, dire à l’enfant que vous êtes là, qu’il n’est pas tout seul” pour traverser cette épreuve.
  • “la compréhension par la parole et les mots en trouvant la bonne distance pour intégrer les changements suite au décès d’un proche, et continuer à vivre, à aimer la vie”.

La sécurité affective et la compréhension de ce que traverse l’enfant vont être importantes “pendant l’enfance, une période où beaucoup de choses se passent en sous-terrain, et resurgissent plus tard dans la vie” si elles ne sont jamais dites. 

La vérité, pas forcément toute la vérité

La difficulté dans un premier temps pour parler de la mort d’un proche, “c’est de saisir que ce n’est pas du tout la même chose à 3 ans, à 7 ans, à 10 ans, souligne Catherine Dolto. Le développement de l’enfant et de son cerveau diffèrent selon les âges. Mais quelque-part, le discours reste toujours le même pour introduire la notion de mort, et pour cela j’utilise toujours une formulation que je tiens de ma mère*, qui est très apaisante pour les enfants : on ne meurt que quand on a fini de vivre”. Une phrase simple et claire qui parle aux petits, et aux plus grands. 

“Dire le vrai ce n’est pas forcément dire tout de la vérité, n’importe comment et n’importe quand”, Catherine Dolto, médecin pédiatre et écrivaine

Si un adulte doit parler de la mort à un enfant, je conseille donc de “dire le vrai et dire ce que l’on fait avec les restes du mort. Cette question est très intrigante pour les petits qui sont très pragmatiques et qui ont besoin de savoir, souligne Catherine Dolto. Mais dire le vrai ce n’est pas forcément dire tout de la vérité, n’importe comment et n’importe quand.” L’adulte pourra donc se concentrer sur le fait de dire des choses justes sans forcément raconter tous les détails à l’enfant.  

“Dire des choses vraies à un enfant a un effet thérapeutique.”

D’ailleurs, “quand nous disons des choses vraies à un enfant, ça à un effet thérapeutique. Il sent qu’il est considéré comme un sujet, qu’il est capable de comprendre le sens puisque l’on s’adresse à lui.” C’est dans ce contexte que le développement de l’enfant se fait bien, “lorsqu’il sent de la confiance et du soutien de la part des adultes qu’ils l’entourent”. Autant de raisons pour lesquelles il est bon de “parler aux enfants en leur disant des vrais mots, de se mettre à sa place”. 

Le b.a.-ba des phrases à adresser aux enfants

Bien sûr, on ne s’adresse pas à un petit comme on s’adresse à un adolescent ou à un adulte. Pas plus que nous avons à leur cacher la vérité. “Beaucoup de parents surprotègent leur enfant, projettent leurs propres fragilités sur leur enfant. On passe en effet notre temps, nous les adultes, à projeter sur les enfants ce que nous sommes. Or un enfant et un adulte ce n’est pas la même chose. Bien sûr toute l’intelligence est là chez l’enfant, dès la naissance, mais il n’y a pas l’expérience, il n’y a pas la même maîtrise du langage, la même capacité de mettre les choses à distance comme un adulte”.

Comment alors leur parler ? 

  • “Chez les tout-petits, c’est bien d’attendre que les questions viennent”, poursuit Catherine Dolto. Et s’il ne pose aucune question ? “On peut lui suggérer certains points, en lui demandant s’il a envie de savoir”, par exemple “Où va le corps de papi ?” A sa réaction, l’adulte voit bien si l’enfant est curieux ou préfère ne pas en entendre plus. 
  • Pour répondre à la question “c’est quoi la mort ?”, nous pouvons dire à l’enfant que “ce qu’il reste de la personne, c’est sa forme humaine, décrit Catherine Dolto. Qu’il n’est plus là, qu’il a fini de vivre, qu’il ne reviendra plus jamais, qu’il n’y a plus que les restes de son corps, que ce n’est plus lui et que c’est pour cela que l’on va l’honorer ”. Ces phrases, assez directes, “permettent à l’enfant de comprendre que le corps est une enveloppe, une forme humaine que l’on investit en naissant. Et puis quand elle ne peut plus  fonctionner, on la quitte”. 
  • “Je conseille aussi d’éviter la phrase ‘Il est parti’”, poursuit Catherine Dolto. J’ai vu trop d’enfants en consultation, traumatisés parce qu’on leur a dit que le défunt était parti et qu’ils attendaient encore qu’il revienne, en pensant souvent que s’il était parti, c’était parce que l’enfant avait fait quelque chose de mal, parce qu’il n’était pas beau”, témoigne Catherine Dolto. “La vraie phrase, complète, serait ‘il est parti pour un autre monde’. Mais elle ne va que pour les personnes qui croient en un monde après la mort. Cette phrase ‘Il est parti’, tout comme ‘il est au ciel’ d’ailleurs, doit rester réservée aux adultes. Si l’on est chrétien par exemple, on peut dire que son âme est au ciel, mais pas lui”.
  • “Leur dire que l’amour ne meurt pas, que les morts restent vivants dans notre cœur, en nous, que ce que l’on a reçu d’elle, que ce n’est que le corps qui meurt, qu’il peut aller puiser dans ses souvenirs avec cette personne, lire les livres qu’il lisait avec elle. C’est une façon de transformer les fantômes en bonnes fées”.
  • “Lui expliquer que ‘dormir ce n’est pas mourir’, surtout aux enfants qui ont vu le défunt sur son lit de mort, qui dans le meilleur des cas à l’air de dormir”. Une association qui peut engendrer des troubles du sommeil.
  • Bien dire à l’enfant “que la personne décédée ne l’a pas abandonné”.

De façon générale, “il est important d’être au plus prêt de la vérité en regardant bien l’enfant dans les yeux, en ayant bien en tête que ce qu’on lui dit fait image, amène des images à se former dans sa tête”. Et quand le message ne semble pas passer ? “Quand on parle à un enfant, en effet, on voit parfois dans ses yeux qu’il n’a rien compris, ou que vos propos l’envoient sur des choses lointaines, abstraites. Là, il faut revenir sur ce qui a été dit, reformuler les choses différemment.”

Parler, même aux bébés

Et doit-on parler de la mort aux bébés, aux enfants de moins de 3 ans ? “A ce sujet, je pense que personne ne peut savoir ce qu’un bébé peut comprendre, répond Catherine Dolto qui connaît, accompagne les enfants et leur écrit des livres. Le débat sur ‘pourquoi il faut parler ou non aux bébés’ est, pour moi, inepte. Le cerveau de l’enfant est fait pour parler. Dès sa vie prénatale, il est dans le bain, il perçoit les vibrations et entend les modulations des voix. Ensuite, dès que l’enfant naît, le bébé est un joueur de poker, il cherche tout le temps à comprendre les règles du jeu. Pour la parole, c’est la même chose. Il est donc essentiel de leur parler, même s’ils sont encore petits et ne maîtrisent pas le langage”. 

Nous savons que “l’enfant comprend ce qu’il se passe autour de lui bien avant de pouvoir parler. Pour aller plus loin, “je dirai même que “les bébés ont l’entendement du sens  de ce qui est dit quand on leur parle avec la certitude que l’on s’adresse à eux comme à des êtres intelligents”.

Une question d’égo… sans culpabilisation à avoir

Autre point : “les enfants naissent totalement égocentrés, et c’est normal, prolonge Catherine Dolto. Tout le processus éducatif est une déségocentrisation”. 

Cette notion d’ego va entrer en ligne de compte lorsque l’enfant va vivre un deuil. “Cette perte va provoquer un remaniement extrême et rapide chez l’enfant. Et pour les plus jeunes, centrés sur le quotidien, les premières questions qui vont venir sont souvent d’ordre pratique et pragmatique, même s’ils aiment beaucoup la personne qui est décédée : ‘Qui viendra me chercher à l’école ? Et qui fera mon goûter ?’. Ce n’est pas de l’égoïsme comme celui que l’on associe à l’adulte, et il ne faut surtout pas les culpabiliser. C’est tout à fait normal, c’est même très sain, ça fait d’ailleurs partie de la sécurité affective qui est aussi faite de choses matérielles où l’enfant a besoin de savoir qui va s’occuper de lui.”

Quand consulter ?

Les parents ne sont pas les seules personnes à pouvoir accompagner les enfants dans la compréhension de la mort et le vécu d’un deuil. Des adultes référents, issus du cercle familial ou amical, peuvent aussi intervenir naturellement s’ils entretiennent un lien de proximité avec l’enfant. Souvent les plus jeunes savent vers quelle(s) personne(s) de confiance se tourner, et vice versa, et les choses se font d’elles-mêmes. 

Quand des professionnels de la santé ? “Aujourd’hui, on a tendance à penser que tout chagrin est dépressif, atteste Catherine Dolto. Mais non ce n’est pas la même chose. Avoir du chagrin, c’est normal, ça va nous modifier, nous occuper un certain temps.” Cette tristesse peut être lourde à porter et nécessite parfois de consulter un spécialiste de la petite enfance, pédiatre ou pédopsychiatre. Comment savoir si l’enfant a besoin de voir quelqu’un ? 

  • “Quand il s’agit de la mort d’un adulte, on consulte quand on voit que l’enfant est trop dérangé 3 semaines après le décès, dans ce qu’il a à faire de sa vie, à l’école, en famille, avec ses amis, décrit Catherine Dolto. Ou encore si l’enfant est colérique, et/ou qui se met en échec, car ce peut être le signe d’une grande tristesse ou d’une dépression. Ce dérangement peut être d’autant plus aigu si les adultes autour de l’enfant n’arrivent pas eux-mêmes à faire leur deuil”. Dans ce cas, la consultation sera plus adressée aux parents.
  • Quand il s’agit de la mort d’un frère ou d’une sœur, “cela vaut le coup de donner l’occasion à l’enfant de parler une fois ou deux, seul, à quelqu’un”. Pour quelles raisons précises ? “Dans les fratries, il y a des tensions, des disputes, des vœux de mort de l’autre, de la jalousie” : tout un panel d’émotions vives qui “peuvent réveiller de la culpabilité, un poison très violent. Il suffit parfois de l’écouter, de lui parler, de voir ce qu’il fait en pâte à modeler, avec quelqu’un qui ne va pas le juger. Cette parole aide l’enfant à déculpabiliser, en lui rappelant bien qu’il n’a rien fait de mal.”

Dessins, livres et dédramatisation

“Tout ce qu’il ne peut ou ne veut pas dire, l’enfant va l’exprimer en dessin, en chanson. On peut lui proposer de dessiner, lui proposer de dire ce qu’il y a sur son dessin sans plaquer notre vérité de grande personne sur ce qu’il a dessiné. Il est aussi important de garder ses dessins car il sera peut-être un jour très content de les retrouver.”

Au temps présent, ces dessins peuvent aider l’adulte “à parler de comment l’autre nous manque, à dédramatiser la mort, en représentant la mort comme un événement de la vie, que l’amour permet d’en parler entre vivants. Je conseille aussi de laisser traîner les livres à la maison, de leur raconter parfois les mêmes livres pendant un mois s’ils le demandent”.

Pour aller plus loin : Catherine Dolto a publié le livre “Si on parlait de la mort” dans la collection Mine de Rien. De précieux textes et illustrations pour choisir les bons mots et répondre aux questions des enfants à l’aide d’images. 

*Catherine Dolto est la fille de Françoise Dolto (1908-1988) célèbre pédiatre et psychanalyste française, particulièrement engagée dans la pédagogie infantile

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Sources

  • – Interview de Catherine Dolto, médecin pédiatre, praticienne en haptonomie et écrivaine, le 13 novembre 2024


Perdre un animal de compagnie peut laisser un vide énorme dans votre quotidien. Le processus de deuil d’un chat, d’un chien ou d’un cheval va-t-il être le même qu’un deuil d’un proche humain ? Pourquoi la tristesse n’est-elle pas toujours considérée à sa juste hauteur ? Les réponses d’Irène Combres, accompagnante spécialiste du deuil animalier à Morsang-sur-Orge (Essonne). 

Par définition les animaux de compagnie partagent notre quotidien, nos rituels, notre routine sans oublier le “prendre soin” permanent en le nourrissant et en l’amenant chez le vétérinaire. De vraies petites boules de poils auxquelles certains et certaines d’entre nous s’attachent véritablement, éprouvent de très forts sentiments d’affection.

Ainsi, quand ils décèdent, les animaux de compagnie laissent souvent leur maître dans une profonde solitude. Très peu de gens comprennent en effet  ce qu’ils éprouvent. “La formule ‘ce n’était qu’un chien’ revient souvent dans la bouche de certains interlocuteurs. Ou bien encore “Prenez-en un autre, ça ira mieux ensuite”. Ne prêtez pas attention à ces propos, ne cherchez pas à convaincre de la profondeur de votre chagrin”, atteste Michel Fize, sociologue et fervent défenseur de la cause animale.  

Ce sentiment de solitude face au deuil d’un animal, Irènes Combres en sait quelque chose. “Dans ma vie j’ai toujours eu des chiens et des chats, je serai même incapable de vivre sans. J’en ai évidemment perdu beaucoup. Et sur mon chemin j’ai rencontré beaucoup de personnes dans l’incompréhension totale face à la douleur que j’ai pu éprouver, raconte cette coach spécialisée dans le deuil animalier. Je me suis donc documentée sur le sujet. Ces lectures m’ont permis de me sentir forte dans cette épreuve, de vivre la perte de mes animaux avec plus de sérénité malgré la douleur”. Par la suite, Irène Combres décide d’en faire son métier en se formant à l’accompagnement du deuil humain dans un premier temps auprès de l’association Empreintes, avant de se spécialiser dans le deuil animalier.

Irène Combres en vidéo !

https://drive.google.com/file/d/1Ilk5O8xrHz_CUoIQFI3N8dwF2HHOwej5/view

Quelle est la mission de ces accompagnements ?

“Je ne suis pas thérapeute, mais je suis certifiée et formée pour écouter activement les gens sans juger, leur donner des repères en leur expliquant que leurs émotions sont complètement normales. En perdant leur animal de compagnie, ils vont traverser toutes les phases du deuil qui ne sont pas spécifiques à celui des humains et il n’y a aucune honte à avoir”. 

Quelles approches face au deuil animalier ?

On l’aura compris : en exprimant leur ressenti, les personnes se sentent moins seules face à ce sujet qui peut paraître anecdotique pour beaucoup de personnes. Mais quels conseils donner en particulier ? 

  • Replacer les phases du deuil animalier dans leur contexte : le déni (le refus d’accepter la réalité de la mort), la colère (souvent tournée vers les vétérinaires, la famille voire l’animal décédé) la culpabilité (liée à la responsabilité du maître, un sentiment très fort notamment dans les cas d’euthanasie s ‘il a fallu prendre la décision de piquer l’animal), la dépression (une période souvent brève liée à la solitude qui se traduit par une perte d’appétit, des troubles du sommeil et des remémorations envahissantes), la résiliation (l’acceptation de la perte qui n’empêche pas la tristesse et la capacité de remettre en perspective le décès en reprenant pied dans leur vie)
  • “Souligner le fait que la société a du mal à admettre qu’un individu éprouve du chagrin ou des émotions très intenses et qu’ils ne sont donc pas seuls dans cette situation.” Vraiment pas les seuls à faire face à des personnes négligeant l’impact de ces pertes a priori bénignes. Comme le rappelle le sociologue Michel Fize, “il ne faut pas avoir honte de ce chagrin, et encore moins honte de l’exprimer. La peine ressentie est normale. Toute séparation d’avec un être vivant, qu’il soit homme ou “bête”, est une tragédie dont on se remet difficilement”.
  • Informer sur le fait que la science reconnaît aujourd’hui le lien affectif parfois très puissant qui se tisse entre un maître et l’animal. “Certaines personnes éprouvent même des sentiments plus intenses avec leur animal de compagnie qu’avec un autre être humain, poursuit Irène Combres. La perte peut donc s’avérer plus difficile à vivre”.

En règle générale, les personnes en deuil ne viennent voir Irènes Combres qu’une seule fois. Même si cette dernière reste joignable par sms en cas de coup au moral, et que bien sûr sa porte reste ouverte si les personnes ressentent le besoin de se confier, de décharger sur un temps plus long.

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Sources

  • – Interview d’Irène Combres, accompagnante spécialiste du deuil animalier à Morsang-sur-Orge (Essonne), le 29 octobre 2024
  • – Happy End. Comment survivre à la disparition d’un animal de compagnie, les conseils de Michel Fize. Consulté en novembre 2024 : https://www.happyend.life/comment-survivre-a-la-disparition-dun-animal-de-compagnie/


Vous venez de perdre un proche et êtes chargé(e) de verser des dons pour une cause qui lui était chère ou bien pour l’organisation de ses funérailles. INCIPIO vous éclaire sur la marche à suivre pour faire les choses bien en règle.

Il est possible de prolonger la générosité au-delà de la vie. Comment ? En effectuant un don suite au décès de l’un de vos proches. Une idée d’autant plus simple à concrétiser si le ou la défunt(e) était engagé(e) dans une cause en particulier (social, recherche…) ou avait certains centres d’intérêt prononcés.

Tout d’abord revenons sur les différents contextes dans lesquels ces dons surviennent. La plupart du temps, cette forme de charité vient :

  • financer des frais d’obsèques : une contribution intéressante notamment si le défunt n’a pas pu anticiper les dépenses engendrées par ses funérailles et que l’intégralité de ses coûts incombe à la famille
  • soutenir la recherche médicale : une somme d’argent le plus souvent versée pour honorer la mémoire du défunt, en participant à l’amélioration des connaissances de la pathologie ayant coûté la vie au défunt, et au développement de traitements. Ce peut aussi être le cas lorsque le décès trouve son origine dans des incidents (accidents de la route, noyades…) ou autres conditions particulières
  • financer toute autre cause, liée à un centre d’intérêt, une passion, un engagement caritatif parfois à un degré plus militant (écologie, droit des animaux…)

La démarche de don doit, dans un principe de respect et d’éthique, être adaptée aux aspirations du défunt de son vivant.

Nécrologie et précautions à prendre

La famille est responsable des souhaits de donation. Vous devez faire part de ce don à tout interlocuteur à qui vous avez affaire en lien avec la gestion administrative et financière quant à l’organisation des funérailles et de ses suites. C’est au niveau du mémorial, de la nécrologie ou l’invitation aux funérailles que ce souhait de dons figure. Pour simplifier la procédure, vérifiez qu’une seule et même personne de la famille sera chargée de gérer ce sujet. 

Avant d’effectuer ce don, il est conseillé de vérifier du sérieux de l’organisation à laquelle la somme d’argent sera versée. En effet, nous ne sommes jamais à l’abri de services peu scrupuleux ou d’arnaques en ligne. Voici quelques points à effectuer :

  • – Vérifier le site internet pour jauger du sérieux de l’organisme. Méfiez-vous si vous ne trouvez aucune information sur la rétribution précise des dons suite à un décès
  • – Cherchez des avis témoignant d’expériences passées pour vous assurer qu’aucune déconvenu systématique ne survienne dans le traitement des dossiers
  • – Repérer les escroqueries en ligne en vérifiant que l’organisme à laquelle le don est censé être versé correspond bien au site sur lequel vous êtes connecté(e)
  • – Assurez-vous de la transparence sur l’utilisation de vos dons. Certaines organisations laissent même le choix à la famille de financer tel ou tel projet
  • – Prenez le temps de gérer le versement de ce don sans vous précipiter après le décès, pour être certain(e) de faire le bon choix et de ne pas choisir malgré vous une organisation qui s’avérerait ne pas être la bonne

Les dons s’effectuent le plus souvent par un paiement en ligne sur le site de l’organisation. Un certificat d’honneur est remis à la famille suite au don. Conservez bien une trace de ce don : ce document vous sera précieux au moment de remplir votre déclaration d’impôts, les dons étant logiquement déductibles.

Après un don, la plupart des organisations vous proposent de rester en contact pour vous informer du devenir de votre don sur les moyen et long termes. Il existe même souvent des communautés de donneurs que vous pouvez intégrer. Un bon moyen de rester en contact avec la mémoire de votre proche décédé. 

Si vous souhaitez collecter une somme d’argent autrement que par le don traditionnel, pourquoi ne pas créer une cagnotte en ligne ? Ce principe de crowdfunding se retrouve aujourd’hui dans le milieu funéraire et des obsèques. Avantage : le montant versé par chaque personne n’est pas communiqué et l’anonymisation du don est possible. A ce sujet, il existe la cagnotte des proches qui vous permet de récolter de l’argent lors de la diffusion de l’avis de décès et de le donner à des associations. 

#décès #deuil #don #associations #solidarité

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Sources

  • – Service Public. Dons, donations et legs au bénéfice d’une association. Consulté en octobre 2024. Disponible : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2722
  • – Service Public. Crowdfunding ou financement participatif. Consulté en octobre 2024. Disponible : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F33957


Pour traverser l’épreuve difficile du deuil, pourquoi ne pas bénéficier des médecines complémentaires dites douces ? Quels thérapeutes consulter ? INCIPIO vous présente  quelques idées. Attention liste non exhaustive !

La perte d’un proche, d’un être cher, va engendrer de nombreuses émotions parfois complexes. Des étapes au cours desquelles un accompagnement peut être nécessaire pour atténuer la douleur, pour retrouver un équilibre intérieur.

Prendre soin de votre corps, de votre tête, laisser libre cours à vos émotions, bénéficier de l’aide de professionnels en privilégiant la parole ou à l’inverse ce que votre corps a à dire au-delà des mots, de l’intellect : voici ce que peuvent permettre les médecines douces. Ces approches sont connues pour vous aider à vous « concentrer sur la stimulation de la capacité du corps à se guérir via l’alignement énergétique, (…) et d’autres techniques d’équilibrage ». A quelles approches peut-on penser en particulier ?

La sophrologie : la sophrologie apporte du réconfort. Comment ? Par des techniques de respiration, de relaxation et de visualisation connues apaisant le système nerveux et activant les mécanismes de récupération émotionnelle. Un chemin vers la paix intérieure, une façon de voir diminuer le niveau de stress, d’anxiété, de cultiver l’harmonie entre le corps et l’esprit, d’éloigner les pensées sombres récurrentes, en sentant la souffrance s’apaiser au fil des séances. Par une exploration des émotions, et une acceptation de ces dernières, l’objectif de la sophrologie est aussi d’apprendre à ne pas se juger : un pas important dans la guérison émotionnelle.

Le yoga, basé sur l’harmonie du corps et de l’esprit, atténue les symptômes d’un syndrome anxio-dépressif ou encore d’une dépression. Il participe aussi à une meilleure gestion des émotions dans la vie de tous les jours. Sous l’effet d’une pratique régulière, certaines régions du cerveau peuvent augmenter en volume, et leur activité gagner en intensité. Des zones cérébrales* par ailleurs impliquées dans la régulation des émotions, la maîtrise de soi, l’attention, la mémoire de travail, les pensées tournées vers soi et les autres. Le yoga améliore les performances cognitives souvent malmenées lorsque la tristesse ou la colère s’emparent de nous. Toutes ces vertus sont rendues possibles par le fait que le yoga convoque les trois piliers suivants :  la méditation, l’exercice physique et le travail du souffle. A noter que le Tai chi et le Qi gong vont aussi solliciter la respiration et la notion d’équilibre pour diminuer le stress, avec un effort moindre que la plupart des formes de yoga. 

L’acupuncture va agir sur le niveau de stress. Par quelles manières ? En apposant ses fines aiguilles sur des points énergétiques précis, le praticien délie les blocages notamment au niveau du sternum, des poignets et de la base du crâne. Le yoga, basé sur la médecine chinoise, va aussi atténuer les troubles du sommeil. En agissant sur les déséquilibres énergétiques situés sur des méridiens différents (cœur, rate, reins), il est possible de mettre le corps dans un état de calme capable de favoriser le sommeil. Les migraines et les addictions parfois présentes lors des épreuves de la vie peuvent aussi être atténuées par l’acupuncture.

La réflexologie : bien plus qu’un simple massage, la réflexologie va venir activer des zones dites réflexes, du pied (réflexologie plantaire), des mains (réflexologie palmaire), du visage (réflexologie faciale) ou des oreilles (réflexologie auriculaire). Chaque point correspond à un organe en particulier. En le massant , le spécialiste agit à distance des organes sur le stress, la fatigue, l’anxiété ou encore les troubles du sommeil.

La médecine complémentaire ne remplace pas la médecine classique (dite allopathique). Aucun traitement médicamenteux contre la dépression par exemple, ou consultations chez un psychiatre dans l’accompagnement d’un trouble anxieux, ne pourront être remplacés par la médecine douce. Par ailleurs, il peut être utile d’associer les deux suivis – médical et doux – pour prendre soin de vous de la façon la plus complète possible. 

Pour aller plus loin : INCIPIO a publié un article pour vous renseigner sur les médecins à consulter en cas de besoin pour traverser un deuil.

*l’hippocampe, le lobe temporal, l’insula et le cortex singulaire

Article écrit par Laura Bourgault

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Sources


Les doulas sont connues pour accompagner la grossesse, le post-partum, les suites d’une interruption volontaire/médicale de grossesse. A l’autre bout de la vie, certaines doulas apportent leur soutien aux patients dans leur dernier souffle et aux proches confrontés au décès, au deuil. Incipio détaille toutes les aides possibles qui peuvent être prodiguées par ces personnes, qui sont le plus souvent des femmes.

Les doulas de fin de vie, aussi appelées thanadoulas, interviennent au domicile des patients atteints d’une maladie incurable en soins palliatifs, et/ou après le décès pour apporter son soutien aux proches, les aider à accepter la disparition et à poser des mots parfois tabous sur la mort, sur les émotions autour du deuil.

Chaque doula a sa propre approche

En fonction de ses compétences, des sujets sur lesquels elle/il est plus l’aise, et bien sûr des besoins de chaque personne, de chaque famille, la doula peut apporter son soutien sur le plan relationnel (discussions ouvertes, échanges facilités sur les sujets parfois complexes), logistique (courses, ménage, cuisine…) ou encore administratif (gestion des contrats d’obsèques, assurances, banque…). Ce soutien peut être mis en place pour une seule personne ou le groupe (famille, amis). 

Certain(e) doulas sont spécialisé(e)s sur l’accompagnement d’un(e) patient(e) en fin de vie, pour aider le malade et les proches à faire face à la douleur, à l’angoisse de la disparition. Dans certains cas, des conseils peuvent aussi être prodigués sur les questions d’ordre éthique comme la responsabilité de la personne de confiance ou encore les démarches concernant le don et le prélèvement d’organes. Des conseils sur les droits de succession et l’héritage peuvent aussi être délivrés. Au-delà de tous ces points pratiques, la doula peut être bienvenue par sa simple présence, sa bienveillance et sa capacité à écouter, réconforter, tenir compagnie sans être envahissant(e) dans le quotidien des proches confrontés à la maladie incurable à un stade terminal ou  endeuillés.  Et à créer des espaces de parole là où le silence et le déni prennent parfois trop de place.

Enfin, de la même manière que les prêtres, les imams et les rabbins soutiennent religieusement la patient en fin de vie et/ou les proches du défunt, la doula va pouvoir apporter sa touche de spiritualité si elle/il le souhaite. Et si bien sûr un besoin a été formulé en ce sens.

En France, les doulas de fin de vie restent encore rares. Aux Etats-Unis en revanche, le nombre de personnes sensibilisées et formées à cette pratique ne fait qu’augmenter, depuis que la crise sanitaire du Covid-19 a exposé nombre de citoyens à la mort. Ainsi, les instituts ou centres de formation ont essaimé dans le pays pour compter 1 545 personnes (chiffres janvier 2024), contre 260 répertoriés en 2019 par la National End-of-Life Doula Alliance (NEDA). Il s’agit en très grande majorité de femmes. 

Les pays où les thanadoulas pratiquent le plus sont l’Australie, le Canada, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Une pratique facilitée lorsque “les décideurs politiques et les défenseurs des droits de l’homme” trouvent des moyens “pour remédier aux inégalités persistantes en matière de santé maternelle et infantile”, relaient les auteurs d’une étude menée sur le sujet dans les colonnes du Maternal and Child Health Journal. Plusieurs Etats dont la Californie ont d’ailleurs fait le choix de couvrir les frais des services des Doulas par Medicaid (l’équivalent de la Sécurité sociale en France).

Mais qui peut venir doula de la fin de vie ?

Il peut s’agir d’infirmier(e)s, de psychologues, de gérontologues, de gérontopsychologues encore en exercice ou non. Il peut également s’agir de thérapeutes du deuil. Ou toute personne qui, en plus d’avoir un attrait pour le relation d’aide, la fin de vie, la mort et les processus du deuil, dispose de capacités, d’une certification, pour être légitime et bienfaisante à intervenir sur des sujets aussi sensibles. 

Reste que la pratique des doulas de fin de vie n’est pas officiellement réglementée, pas plus que la rémunération, ni aux Etats-Unis ni en France ni à l’échelle mondiale. L‘International End-of-Life Doula Association (INELDA) a formé plus de 5 600 doulas dans le monde, mais avec une forte disparité dans le contenu de ces programmes ne permettant pas de faire consensus sur un socle de connaissances et de pratiques à l’échelle mondiale. “L’INELDA propose par exemple une formation de quarante heures aux fondements du travail des doulas et l’accompagnement des mourants. D’autres programmes de formation proposent des cours en personne de quatre semaines, des cours en ligne de douze semaines, des programmes de six semaines, entre autres formats.” Selon les auteurs d’un travail publié dans la revue Health & Social Care in the Community, “l’absence d’un modèle commercial pour les doulas de fin de vie crée des incohérences entre les services qu’offrent ces accompagnants et les attentes des patients et de leurs familles”. 

En France, sans pour autant que la compétence de doula soit reconnue, l’association Doulas de France propose des formations, une charte des doulas de France, un socle initial de compétences ainsi qu’un annuaire des thanadoulas et doulas de fin de vie

Le risque de dérive reste un sujet de préoccupation de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) qui appelait à la vigilance” dans un rapport concernant les doulas (de la naissance). La Miviludes s’inquiétait précisément du risque de « thérapies alternatives problématiques ».  Le risque, sans tomber dans la paranoïa, est donc celui de la dérive éthique voire sectaire et de recevoir l’aide de quelqu’un de finalement non compétent ou malveillant si elle était passée entre les mailles de toute formation ou d’une formation peu sérieuse. 

Pour lutter contre ce risque de dérive, des études sont menées notamment aux Etats-Unis afin d’améliorer les pratiques et formaliser les certifications en impliquant les doulas, les professionnels de santé, les chercheurs, les défendeurs des droits et les utilisateurs.

Les doulas n’ont aucune compétence médicale ni droit d’exercer un soin

En aucun cas la pratique des doulas de fin de vie n’est associée à une profession de santé, médicale ou paramédicale. Aucun(e) doula de fin de vie n’est en droit d’administrer un médicament, de surveiller des signes vitaux, de donner des conseils ou de prodiguer des gestes d’ordre médical. Aucune valeur, aucun jugement ne doit être délivré par la/le doula qui se doit de maintenir une position neutre malgré le soutien.

Si vos besoins plus spécifiques dépassent le savoir-faire d’un(e) doula, n’hésitez pas à en parler à votre médecin traitant qui saura vous diriger vers un spécialiste de la fin de vie et/ou du deuil si nécessaire. Pour les questions d’ordre plus pratique, certaines associations sont disponibles pour vous aider : Empreintes association dispose par exemple d’une ligne d’écoute et de groupes de parole. Pour en savoir plus sur les associations françaises spécialisées en la matière, n’hésitez pas à consulter l’article INCIPIO consacré à ce sujet.

Pour aller plus loin : lire les “Cahiers francophones de soins palliatifs “Les doulas de la fin de vie : une pratique innovante à découvrir”, écrit par Ariane Plaisance. 

Laura Bourgault

Crédit image: istockphoto/PIKSEL/1307432596

Source

  • National Geographic. Stacey Colino. Voici comment les doulas de fin de vie accompagnent leurs patients vers la mort. Publié le 27 février 2024. En ligne : https://www.nationalgeographic.fr/photographie/culture-societe-deuil-voici-comment-les-doulas-de-fin-de-vie-accompagnent-leurs-patients-vers-la-mort#:~:text=Les%20doulas%20de%20fin%20de%20vie%20travaillent%20avec%20les%20personnes,la%20pand%C3%A9mie%20de%20COVID%2D19.
  • – Rawlings, D., Tieman, J., Miller‐Lewis, L. et Swetenham, K. (2019). What role do death doulas play in end‐of‐life care? A systematic review. Health & Social Care in the Community, 27(3), E82-E94. https://doi.org/10.1111/hsc.12660.
  • – Marshall, C.J., Nguyen, A., Arteaga, S. et al. Building Capacity for Research on Community Doula Care: A Stakeholder-Engaged Process in California. Matern Child Health J 28, 400–408 (2024). https://doi.org/10.1007/s10995-023-03883-2
  • – Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Rapport d’activité 2021. En ligne : https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/MIVILUDES-RAPPORT2021_web_%2027_04_2023%20_0.pdf


Lorsque les fonds personnels ne suffisent pas à assumer la charge financière des obsèques, certaines mairies interviennent pour venir en aide aux plus précaires. Les personnes en situation d’isolement sont aussi concernées. Quelles sont les modalités en place pour accéder à ce soutien ? Quels frais sont précisément financés ? INCIPIO a posé ces questions à la mairie de Nantes.

Dans chaque ville, commune et village de France, la mairie reste libre de couvrir tout ou partie des frais d’obsèques pour les personnes sans ressource financière et/ou sociale.

Première question, quel est le public concerné par l’aide financière aux obsèques ? “Les personnes qui, sur leur compte bancaire, n’ont pas les moyens de prendre en charge leurs propres obsèques ou celles de leur proche décédé. Mais aussi les personnes isolées ”, répond Agnès Lecomte, responsable secteur des cimetières de la ville de Nantes. Il arrive en effet que des personnes aient les moyens financiers mais n’ont rien anticipé dans l’organisation de leurs obsèques avant de décéder, n’aient rien indiqué dans leur testament, n’aient pas informé leurs proches de leurs dernières volontés. Le défunt peut aussi n’avoir ni famille ni amis, ou aucune personne qui souhaite ou peut prendre en charge l’organisation de leurs obsèques. “La mairie peut alors venir en aide auprès de ces personnes, indépendamment de l’insuffisance des revenus.” 

Pour faire aboutir la démarche auprès de la mairie, la situation doit bien sûr être prouvée. En cas de précarité financière, “les proches ont parfois accès aux relevés bancaires et peuvent fournir ces documents à la mairie. Livret de famille et pièces d’identité sont également demandés”, souligne Agnès Lecomte. Nous nous devons d’être le plus complet possible pour constituer le dossier constitué qui sera présenté au Trésor public, étant donné que la couverture financière d’ordre privé est rendue possible par l’utilisation de deniers publics.”.

Constituer le dossier : entre enquête, collecte et rencontre

Que se passe-t-il si des pièces viennent à manquer pour justifier de la précarité ou de l’isolement du défunt ? “Dans ce cas, la mairie rend un arbitrage pour assurer l’inhumation ou la crémation dans des délais raisonnables, et ce même si l’accès aux comptes bancaires n’est pas possible”, répond Agnès Lecomte.

Pour obtenir le plus de pièces possibles, “nous entrons en contact avec les proches”. Dans l’idéal, le défunt avait une personne de confiance qui peut avoir en sa possession de nombreuses pièces précieuses. En cas de tutelle ou de curatelle, un proche du défunt va pouvoir être impliqué dans l’organisation des obsèques, “même si dans ces situations, tout le monde ne réagit pas de la même façon”, témoigne Agnès Lecomte. Certains vont s’investir sans réfléchir à l’organisation des obsèques, à couvrir leur coût pour leur proche. D’autres avancent au contraire qu’ils sont dans leur bon droit en se désister de ces démarches, témoigne Agnès Lecompte. 

Pour retrouver des pièces manquantes au dossier, il arrive que le personnel de la mairie de Nantes mène aussi un véritable travail d’enquête. Différents moyens peuvent être mobilisés pour retrouver la piste des proches du défunt : “nous nous tournons vers les notaires pour obtenir des documents importants. L’utilisation des données des arbres généalogiques disponibles gratuitement sur internet nous aident parfois à recouper avec les informations que nous avons en notre possession. Ce qui est bien sûr plus simple quand nous avons un nom de famille rare ou atypique plutôt que courant”, souligne Agnès Lecompte. Le site de l’Insee* peut aussi nous être très utile pour retrouver des lieux d’inhumation des parents du défunt et voir s’il existe une concession aux ayants-droits. L’enquête de voisinage peut également s’avérer fructueuse pour faire remonter à la surface des indices sur la vie du défunt. Enfin, nous nous rapprochons régulièrement des bailleurs qui demandent des garanties aux cautionnaires et peuvent donc souvent nous aiguiller vers les proches du défunt.”

“Grâce à toutes les informations, il est parfois possible de reprendre contact avec une nièce, une cousine, une tante pour annoncer le décès et voir si la famille souhaite organiser et prendre en charge les obsèques du défunt. 

“Une chose est sûre, nous avons accès à très peu de fichiers. Nous utilisons donc tous les moyens pour récolter le plus d’informations possibles et compléter au mieux nos dossiers. Nous ne nous refusons rien en termes de démarches légales, affirme Agnès Lecomte. L’objectif dans un premier temps est d’ordre social plus que financier : nous annonçons le décès aux proches, une démarche indispensable pour leur permettre de faire leur deuil, même si la famille était en rupture avec le défunt depuis des années. Il nous arrive d’ailleurs de recevoir certains membres de la famille pour échanger avec eux.” Une composante humaine finalement très centrale dans cet accompagnement par ailleurs financier.

Transport, conservation, creusement 

Tous les frais sont-ils couverts par la mairie ? Une fois le dossier accepté, voici les prestations prises en charge. “Elles correspondent aux dépenses obligatoires dans le cas d’un devis type”, souligne Agnès Lecomte :

  • la publication des avis de décès dans la presse locale 
  • le transport du lieu de décès (avec comme point de départ le domicile, la voie public ou un établissement de santé) jusqu’à la chambre funéraire

Si le défunt est décédé d’une cause naturelle et diagnostiquée comme telle, le transport du corps vers la chambre funéraire sera couvert par la mairie. S’il existe un soupçon de crime, le corps sera acheminé à l’institut médico-légale à la demande de la police, qui prendra en charge le transport. Un procès-verbal est ensuite émis par la police avant que la mairie endosse la responsabilité de l’inhumation ou de la crémation.

  • la conservation du corps dans une cave réfrigérée, l’aide de la mairie ne comprenant pas d’exposition à la chambre funéraire
  • le transport avant et après la mise en bière
  • les frais d’inhumation comprenant un forfait de fournitures et services (cercueils, démarches administratives, insignes de marquage sur la tombe, mise en bière, porteurs, travaux funéraires, ouverture et fermeture du caveau, creusement et rebouchage). En fonction des informations transmises par les proches, la mairie se doit de couvrir les frais de crémation si cette demande entre dans les dernières volontés du défunt. “Si aucune information n’est disponible à ce sujet, nous optons pour l’inhumation afin que sa famille puisse le retrouver si elle devait prendre contact avec la mairie une fois les obsèques passées.”

Aucune cérémonie n’est prévue. Mais à la mairie de Nantes, “nous collaborons avec l’association ‘De l’Ombre et la Lumière’ pour que le/la défunt(e) ne parte pas seul(e) après avoir essayé de retrouver des informations sur la vie du défunt. Et nous sommes parfois surpris(e)s de nous occuper de dossiers de défunts dans des situations d’isolement très importantes à leur mort, mais de voir 50 personnes assister à leurs obsèques, raconte Agnès Lecomte.

Un emplacement au cimetière pendant 5 ans

Quel emplacement est prévu pour l’inhumation ou la crémation des défunts sans ressource ? La mairie s’adapte en fonction des situations. Dans les cas de tutelle/curatelle, il arrive qu’une concession ait été achetée. Si besoin, la mairie peut mettre gratuitement à disposition un terrain commun sur une durée de 5 ans pour enterrer le défunt. Après ce délai, la ville peut reprendre l’emplacement, pratiquer la crémation du corps ou une mise à l’ossuaire si l’état du corps le permet. “Sauf qu’en général, au bout de 5 ans, le corps n’est pas encore en état d’ossement et nous devons donc opter pour la crémation qui engendre plus de coût, relaie Agnès Lecomte. Il n’existe pas de droits acquis. À Nantes nous assurons ces rotations tous les 5 ans pour pouvoir libérer de la place pour d’autres défunts. A chaque changement, nous nous devons d’informer les proches si nous sommes en contact avec eux et leur dire que la reprise du corps est toujours possible”, atteste Agnès Lecomte. Et nous avons également à cœur de trouver le cimetière le plus proche de la famille pour plus de praticité si les proches souhaitent se recueillir”.

Quelques chiffres. En 2022, un total de 56 demandes de prises en charge de personnes isolées et/ou dépendantes sur le plan financier ont été déposées à la mairie de Nantes. 43 ont été acceptées. Et sur les 5 dernières années, 54 dossiers pour 33 acceptations ont pu être enregistrés. ‘La plupart sont des personnes isolées qui ont par ailleurs les moyens de couvrir leurs frais d’obsèques, relève Agnès Lecomte. Dans ce cas, une facture dite titre de recette est adressée à la banque du défunt : ce qui permet à la collectivité d’être remboursée”.

Une charge psychologique prise en compte par la profession

‘En faisant ce métier, nous sommes confrontés à des histoires de vie, parfois belles, parfois traumatisantes, auprès de personnes en grande souffrance, témoigne Agnès Lecomte. Ce peut être le cas quand des parents venant d’apprendre le décès de leur enfant disent qu’ils ne voulaient plus jamais avoir de nouvelles, qu’ils avaient rayé leur fils ou de leur fille de leur vie”. La composante émotionnelle est donc extrêmement importante, avec des gens parfois “tristes, en colère, dans le déni, entre présence et absence pour le défunt. Nous rentrons indéniablement dans l’histoire des gens même si on ne préfèrerait pas”, s’exprime Agnès Lecomte. 

Et annoncer un décès est une démarche aussi complexe que sensible, qui ne laisse pas indemne les personnes qui en sont responsables. “Pour nous accompagner dans notre quotidien, nous recevons des formations sur la psychologie du deuil et nous avons accès à des groupes de parole pour déposer toutes nos émotions, ajoute Agnès Lecomte. Au total, “6 séances nous sont proposées chaque année, en individuel ou en collectif en fonction des problématiques identifiées et des besoins de chacun. Ce soutien peut être déclenché sur simple demande. Et le fait de se faire épauler par la cellule psychologie n’impacte en rien la personne, aucune mise à l’écart pour inaptitude n’est à anticiper”. Bien sûr, “parler de ses émotions n’a rien d’évident, encore moins pour les agents de cimetière qui n’ont pas l’habitude de cela. Certains ne veulent pas dire un mot en groupe de parole, puis se mettent à parler quand ils voient que l’écoute est là, que des choses bougent”. 

Et si personne souhaite partir, notamment du fait de cette charge psychologique, la mobilité est aussi accompagnée par la mairie”. Un soutien indispensable : “comment ne pas prendre en charge la santé mentale des accompagnants si l’on veut qu’ils prennent bien soin des usagers?”, interroge Agnès Lecomte. 

*Institut national de la statistique et des études économiques

Article écrit par Laura Bourgault 

Crédit photo: seb_ra/1160135294/istock

Source

  • – Interview d’Agnès Lecomte, responsable secteur des cimetières de la ville de Nantes, le jeudi 11 juillet 2024